Happy end
|
Le charme discret de la bourgeoisie Après ses deux Palmes d'or et son grand chelem assuré aux Oscars, César et autres Bafta, à l'occasion de son dernier film, Michael Haneke semblait quelque peu attendu au tournant avec cet opus au titre préjugé ironique, tant le cinéaste n'est pas adepte du romanesque et du récit rassurant. En dépit d'un casting prestigieux (Huppert, Trintignant, Kassovitz) et d'un pitch pour le moins lisible (le quotidien mouvementé d'une famille de grands bourgeois), Happy end est en fait plus proche des premiers films du cinéaste autrichien (Benny's Video) que de son cinéma accessible et primé, qui de La Pianiste à Amour en passant pas Caché et Le Ruban blanc en a fait l'auteur internationalement reconnu et primé. Le premier tiers du récit, quasiment muet, en rebutera plus d'un, avec ses plans fixes obscurs, l'utilisation étrange des nouveaux outils numériques (smartphones, Snapchat, SMS...), au service de ce qui ressemble à un semi-documentaire sur une micro-communauté de névrosés. Dans la famille Laurent donnez-moi le grand-père (Jean-Louis Trintignant), un vieil homme cynique et désabusé qui ne demande qu'à mourir, prolongement en mode plus burlesque de son rôle précédent pour le cinéaste. Sa fille Anne (Huppert, forcément Huppert) est la chef autoritaire de cette parentèle soudée mais fragile, et gère par ailleurs une société de construction immobilière. |
Dans leur pavillon cossu est également installé son frère (Mathieu Kassovitz), dont la première épouse vient de décéder et qui sera amené à recueillir sa fille, une pré-ado boudeuse et perturbée, aussi attirée par la mort que son grand-père. D'autres personnages complètent une galerie d'êtres mal dans leur peau, à l'image de Pierre, le fils d'Anne, inapte à reprendre l'entreprise familiale, dépressif et autodestructeur, et dont l'irruption au cours d'un déjeuner huppé sera aussi savoureuse et explosive que celle de « la bête » dans The Square de Ruben Östlund. On sera reconnaissant à Michael Haneke d'avoir renoncé à une zone de confort, signant un film moins consensuel qu'Amour, son chef-d'œuvre. Comme si son succès lui avait donné davantage de liberté, Haneke a opté pour une démarche plus elliptique et sèche, qui n'exclut pas un humour pince-sans-rire savoureux. Cette audace de ton et de narration fait le prix de sa nouvelle œuvre. Loin d'être un film mineur qui traduirait une panne d'inspiration chez le cinéaste, Happy end nous semble donc en parfaite harmonie avec son univers, et ne méritait pas l'accueil glacial qui fut le sien lors de sa projection cannoise. Gérard Crespo
|
1h50 - France, Autriche - Scénario : Michael HANEKE - Interprétation : Jean-Louis TRINTIGNANT, Isabelle HUPPERT, Mathieu KASSOVITZ, Nabiha AKKARI, Fantine HARDUIN, Franz ROGOWSKI, Laura VERLINDEN, Toby JONES. |