Captain Fantastic |
Au nom du père Dans les forêts reculées du nord-ouest des États-Unis, vivant isolé de la société, Ben (Viggo Mortensen), un père dévoué, a consacré sa vie à faire de ses six enfants d’extraordinaires adultes. Mais quand le destin frappe sa famille, ils doivent abandonner ce paradis qu’il avait créé pour eux. La découverte du monde extérieur va l’obliger à questionner ses méthodes d’éducation et remettre en cause tout ce qu’il leur a appris... Le début du film, qui se déroule dans un bois déserté, sans dialogues et avec une approche dépouillée, fait songer au Guerrier silencieux de Nicholas Winding Refn ou à l'ouverture de L'Enfant sauvage de François Truffaut. La bestialité de la situation (un animal égorgé par un adolescent sorti dont on ne sait où) est filmée sans concessions, avec un mélange de réalisme et d'étrangeté qui évoque également les univers décalés des Bêtes du sud sauvage de Ben Zeitlin ou L'Étreinte du serpent de Ciro Guerra. Le film déjoue vite cette impression en proposant le récit plutôt limpide d'une famille certes marginale mais le scénario et la forme s'avèrent plutôt classiques et consensuels. Ce qui n'empêche pas ce subtil second long métrage de proposer une réflexion amère et désenchantée à la fois sur l'american way of life et sur les utopies d'une certaine contre-culture américaine en voie d'extinction. Refusant le consumérisme, la religion et autres aliénations de la société occidentale, Ben a choisi un mode de vie post-hippie, préférant inculquer aux siens le rapport avec la nature, la méditation et le sens de valeurs plus sincères, ce qui n'a pas empêché ses six rejetons d'avoir une culture livresque et d'être bien plus érudits que bien des teenagers adeptes de jeu vidéo et de fast-food. Le récit prend un virage intéressant avec l'annonce de la mort de la mère, qui a mis fin à ses jours après avoir sombré dans une dépression, loin de son mari et ses enfants. |
Captain Fantastic oscille alors entre le road movie et la comédie de situations teintée de drame, comme si Little Miss Sunshine fusionnait avec Mosquito Coast, cette famille monoparentale pour le moins hors-norme devenant vite une attraction de foire aux yeux des policiers, campeurs ou commerçants, et surtout de la belle-famille de Ben qui le rend responsable de la maladie et du suicide de son épouse. Le film est basé en partie sur les souvenirs d'enfance et d'adolescence du réalisateur, qui a souhaité poursuivre ses interrogations sur l'éducation. « Ma mère s’intéressait aux modes de vie alternatifs. Quand j’étais enfant, je ne dirais pas que l’on vivait coupés du monde, mais nous vivions dans des communautés en Californie du Nord et dans l’Oregon, au milieu de nulle part, sans télévision ou accès à la plupart des innovations technologiques […] L’adolescence fut particulièrement difficile. Je n’avais pas de copains de mon âge quand j’ai commencé à être attiré par les filles. Tous mes amis étaient loin alors que je voulais avoir une vie sociale. Bo, l’ainé de la famille Cash, en est à ce stade de sa vie tandis que les plus jeunes trouvent encore cette vie géniale », a précisé Matt Ross. En dépit de quelques passages agaçants (la référence à Noam Chomsky), le film exerce un pouvoir de séduction indéniable et doit également beaucoup à ses interprètes. Viggo Mortensen a un charisme évident, ce que l'on savait depuis A History of Violence. À ses côtés, le vétéran Frank Langella est étonnant en beau-père méfiant. Et dans le rôle du fils aîné, George MacKay (révélé par Pride), confirme qu'il est l'un des jeunes comédiens les plus prometteurs de sa génération. Gérard Crespo
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2h - États-Unis - Scénario : Matt ROSS - Interprétation : Viggo MORTENSEN, Frank LANGELLA, George MACKAY, Annabelle BASSO, Samantha ISLER, Nicholas HAMILTON, Kathryn ZAHN, Steve ZAHN, Erin MORIARTY, Ann DOWD. |