The Immigrant |
Welcome in America Après les univers du polar de The Yards et La Nuit nous appartient puis le recours au mélodrame dans Two lovers, James Gray fusionne les deux genres en y greffant les conventions du film historique en costumes, Ellis Island et New York étant le décor d'un flamboyant récit romanesque. On y suit les déboires d'une jeune immigrée polonaise, Ewa Cybulski (Marion Cotillard), dont le nom est sans doute ici un hommage à Zbigniew Cybulski (1927-1967), acteur polonais de légende qui fut l'interprète de Wajda. Séparée de sa sa sœur mise en quarantaine pour cause de tuberculose, Ewa est contrainte de faire appel à Bruno (Joaquin Phoenix), un souteneur sans scrupules et mafieux notoire, qui n'hésitera pas à la prostituer en dépit de l'amour qu'il semble lui témoigner. Comme à son habitude, James Gray s'avère maître dans l'art de montrer les contradictions et ambiguïtés de personnages dont les motivations et les intentions sont moins claires qu'elles ne paraissent. Bruno n'essaye-t-il pas d'échapper à sa condition eu égard à l'attachement qu'il manifeste envers Ewa ? Celle-ci ne cache-t-elle pas son jeu et est-elle si pure et intègre qu'elle en a l'air ? L'illusionniste (Jeremy Renner), cousin de Bruno et gentil garçon de l'histoire qui s'éprend de Ewa et lui redonne confiance, n'a-t-il pas lui aussi ses zones d'ombre ? |
La reconstitution du New York de 1920, avec ses ruelles malfamées, ses cabarets glauques et ses saunas crasseux, ne tombe jamais dans le naturalisme ou l'esthétisme choc : on est ici plus proche de l'ambiance du Scorsese de Gangs of New York que de l'académisme d'un Alexander Payne filmant le Nebraska actuel ou du clinquant d'un Baz Luhrmann insérant de la musique techno dans les années folles de The Great Gatsby. James Gray trouve le ton (et la teinte) justes, s'avérant un maître de la narration romanesque entouré de techniciens et artistes inspirés, comme le furent naguère Borzage ou Wyler. Il est permis de trouver surprenant qu'aucun prix n'ait distingué The Immigrant, seul oubli injuste d'un palmarès plus qu'honorable. Et c'est donc encore une fois bredouille que le cinéaste quitte la Croisette. Un prix d'interprétation pour Joaquin Phoenix aurait pourtant été judicieux, et il semblerait que l'acteur se spécialise dans les rôles de grands illuminés, après sa composition de gourou maléfique dans The Master. On sera plus réservé sur le jeu d'une Marion Cotillard surlignant un accent étranger ; il est à cet égard curieux que Hollywood s'obstine à demander à des actrices françaises d'incarner des Polonaises, soixante ans après le rôle de la comtesse Staviska jouée par Danielle Darrieux dans Five fingers... Cette réserve minime ne remet nullement en cause la force de cette œuvre subtile. Gérard Crespo
|
2h - États-Unis - Scénario : James GRAY, Ric MENELLO - Interprétation : Joaquin PHOENIX, Marion COTILLARD, Jeremy RENNER, Dagmara DOMINCZYK. |