Nebraska |
Ne me dis jamais ce que j’ai à faire, petit merdeux Alexander Payne est de retour en compétition, renouant avec le road-movie et l’exploration de l’Amérique profonde. Or, il s’avère que, depuis le Monsieur Schmidt de 2002, cela ne s’arrange pas chez les rednecks. C’est sur les traces de papy Grant qu’il nous emmène aujourd’hui, dans un noir et blanc un peu terne et sur le ton de la comédie, où le vieux couple Woody - Kate rivalise de drôlerie. Mais c’est Woody, alias Bruce Dern, qui volera le prix d’interprétation masculine à Michael Douglas malgré son mémorable Liberace. Billings, Montana : un vieil homme marche sur un highway, en périphérie de la ville. « Où allez-vous ? » à l’inquiétude du policier répond un geste indiquant l’avant. « D’où venez-vous ? » idem avec le même geste en arrière. Woody Grant n’est pas de ceux qui se perdent en explications superflues. Il va droit au but. Et son but est de récupérer le gros lot qu’il croit dur comme fer avoir gagné à une tombola. C’est écrit sur le papier qu’il a reçu. Et c’est à Lincoln, Nebraska, soit à près de 1 000 miles que cela se passe. Woody est confié à son fils Ross, qui le ramène à la maison, où Kate désespère de faire entendre raison à son vieux mari. 1000 miles, c’est long à pied, bien sûr, mais ça l’est aussi en voiture et Ross fait ce qu’il peut pour échapper à la corvée, avant de céder à la requête et à la quête obsessionnelle de son père. |
1000 miles, c’est aussi peut-être l’occasion d’un peu mieux connaître ce vieux bonhomme, ou du moins de le connaître enfin un peu, avant que la sénilité ne l’emmène définitivement vers d’autres mondes. Ils partent donc, via deux étapes, dont Woody se fout complètement : les monts Rushmore, Dakota du sud, pour le tourisme, puis Hawthorne. Pas la Hawthorne de Californie, celle du Nebraska, petite bourgade écrasée de bêtise et d’immobilisme. C’est de ce bled que Kate a extrait Woody en l’épousant. Il est donc décidé d’en profiter pour s’y retrouver en famille, un ramassis de taiseux vissés devant leur poste de télévision, et replonger le père dans les lieux de sa jeunesse et de ses anciens amis, au risque de n’y retrouver que mesquinerie et bassesse. C’est d’ailleurs la pieuse et très catholique Kate qui en parle le mieux, n’ayant pas son pareil pour tailler des costards à ses prochains, vivants ou morts. Au rythme de situations cocasses, de dialogues pleins d’humour, de rapports humains pour le moins bizarres, et quelques bières aidant, le père et le fils vont enfin connaître quelques instants de complicité, voire même de gloire. Quand je s’rai vieux, je s’rai insupportable, dit la chanson… Avec la conscience que la patience est un luxe qu’il ne peut plus se permettre, Woody Grant vit en marge d’une société dont il n’attend plus rien. Bruce Dern interprète brillamment ce vieil acariâtre, que le temps a peut-être un peu trop abîmé mais beaucoup plus lucide qu’il n’y paraît. Marie-Jo Astic
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1h50 - États-Unis - Scénario : Bob NELSON - Interprétation : Bruce DERN, Will FORTE, June SQUIIBB, Bob ODENKIRK, Stacy KEACH. |