Under the Silver Lake |
Enquête à Los Angeles À Los Angeles, Sam, trente-trois ans, sans emploi, rêve de célébrité. Lorsque Sarah, une jeune et énigmatique voisine, se volatilise brusquement, il se lance à sa recherche et entreprend alors une enquête obsessionnelle surréaliste à travers la ville. Elle le fera plonger jusque dans les profondeurs les plus ténébreuses de la Cité des Anges, où il devra élucider disparitions et meurtres mystérieux sur fond de scandales et conspirations… David Robert Mitchell avait été révélé à la Semaine de la Critique avec le troublant It Follows, trip fantastique qui renouvelait le genre et témoignait d’un beau travail visuel. Disposant d’un budget plus confortable, le réalisateur signe ici un film dans une veine plus radicale, convoquant les mythes de l’histoire de Hollywood et imprégnant le récit d’un onirisme envoûtant, le tout en croisant les codes du polar, de la comédie loufoque et du film d’horreur. Les références du cinéaste sont explicites, dès que le spectateur surprend Sam matant ses voisines avec des jumelles à l’instar de James Stewart dans Fenêtre sur cour, puis se livrant à une filature contemplative comme ce même acteur dans Vertigo. David Robert Mitchell connaît donc son petit Hitchcock illustré et n’hésite pas à remonter plus loin dans ses souvenirs de cinéphile, allant jusqu’à évoquer et montrer Janet Gaynor dans L’Heure suprême, grandiose mélo muet de Frank Borzage, tout en se moulant dans les conventions d’un cinéma tant d’auteur que de quartier : on songe ici au Gregg Araki de Nowhere pour le délire paranoïaque ou celui de Kaboom pour le filmage d’une sexualité extrême. Mais c’est surtout à David Lynch que l’on pensera, pas seulement pour le dynamitage des genres et l’ambiance surréaliste, mais aussi et surtout pour le scénario, mise en abîme de l’usine à rêves hollywoodienne, dix-sept ans après le sublime Mulholland Drive. Ces références n’écrasent pas le cinéaste, qui réalise un délire audacieux, presque aussi incompréhensible que Le Grand sommeil de Howard Hawks ou Meurtre dans un jardin anglais de Peter Greenaway. |
Et les situations insolites et personnages excentriques donnent à l’œuvre une tournure étrange, tant on se demande si ce que découvre le protagoniste relève de son imagination torturée ou révèle un véritable complot mené par des forces obscures mais puissantes de la planète Hollywood. Dès lors, vont défiler sous nos yeux des tueurs de chiens, des loups-garous au visage de vamps, des starlettes travaillant pour une société d’escorts, un vieux compositeur sarcastique ayant écrit tous les tubes musicaux des cinquante dernières années, ou un gourou de secte enrôlant de bien jolies et perverses créatures… Le tout dans une narration en forme de puzzle qui a le mérite de sortir des sentiers battus. Pour le cinéaste, son film « traite du sens caché que recèlent les choses qui nous sont chères – les films, la musique et les magazines qui façonnent notre culture. La pop culture est désormais la seule culture : un lac dans lequel nous baignons tous. Mais certaines choses se passent à notre insu, sous la surface de l’eau ». Le charme opéré par Under the Silver Lake doit beaucoup aux collaborateurs artistiques et techniques, dont Mike Gioulakis à la photo, aussi sophistiquée que celle qu’il élabora dans Split de M. Night Shyamalan. Pourquoi le film n’entraîne-t-il pas alors une adhésion totale ? Sans doute avons-nous le sentiment d’assister à un bel exercice de style intelligent et soigné, mais d'une longueur excessive, un peu vain et qui cherche trop à épater le cinéphile. Et le jeu limité d’Andrew Garfield, comédien sympathique mais manquant de charisme, atténue la force du métrage, quand le choix d’un Robert Pattinson ou d’un Ezra Miller aurait été plus judicieux. Malgré ces réserves, Under the Silver Lake demeure un bel objet du cinéma indépendant américain. Gérard Crespo
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2h20 - États-Unis - Scénario : David Robert MITCHELL - Interprétation : Andrew GARFIELD, Riley KEOUGH, Topher GRACE, Zosia MAMET, Jimmi SIMPSON, Patrick FISCHLER, Callie HERNANDEZ, Riki LINDHOME, Don McMANUS, Jeremy BOBB. |