Seule à mon mariage
de Marta Bergman
Acid








« Je veux un homme qui prend des douches. »

Pamela, jeune Rom insolente, spontanée et drôle, s’embarque vers l’inconnu, rompant avec les traditions qui l’étouffent. Elle arrive en Belgique avec trois mots de français et l’espoir d’un mariage pour changer son destin et celui de sa fille... Les films sur la communauté Rom ont suscité une belle inspiration chez maints cinéastes, des envolées lyriques d'Emir Kusturica au récent récit naturaliste Carmen et Lola d'Arantxa Echevarría en passant par les trips musicaux de Tony Gatlif ou le méconnu Zaneta de Pedr Vaclav. Seule à mon mariage, à la fois réaliste et (un brin) onirique, comique et dramatique, est un peu au carrefour de ces productions tout en révélant une cinéaste sensible. Le métrage s'inscrit aussi dans la continuité des documentaires que Marta Bergman avait tournés en Roumanie, un pays où elle vécut pendant six ans. Dans l'un d'entre eux, elle avait filmé trois jeunes filles tziganes partant pour l'Allemagne trouver le bonheur, sous le regard presque indifférent de leurs familles. C'est ce qui a donné envie à la réalisatrice de poursuivre dans cette voie, par le biais de la fiction et l'histoire de Pamela. Marta Bergman a ainsi déclaré : « Pamela rêve, elle se projette dans quelque chose de grand. C'est ce qui la distingue des autres filles de son village. En traçant sa propre route, elle découvre l'amour qu'elle porte à son enfant et trouve en elle les ressources pour l'élever seule. Je voulais un personnage qu'on aime pour son audace, son étincelle de vie et son désir d'apprendre ». Le pari est réussi, même si l'on aurait souhaité une longueur plus raisonnable (le film a peut-être un quart d'heure de trop), sensation d'autant plus que regrettable que des personnages sont sacrifiés (le séducteur louche incarné par Jonas Bloquet, l'ex-ado de Élève libre). Mais on s'attache très vite à ce petit bout de bonne femme truculente et sincère, qui s'engueule avec sa grand-mère avant de l'embrasser spontanément quelques heures plus tard, se débrouille pour avoir cent euros afin de payer une agence matrimoniale, minaude sur Skype en discutant avec son soupirant belge, insiste pour s'inscrire dans une salle de sport communale en faisant fi des démarches administratives.

L'actrice Alina Șerban, comédienne et dramaturge engagée qui trouve ici son premier rôle à l'écran, n'est pas pour rien dans le pouvoir d'attraction exercé par le personnage. Elle est ce mélange de mère courage et de Rosetta (un film que nous aurons beaucoup cité à CinémaS tant il se révèle la matrice du cinéma social de ce début de millénaire). Structuré en deux parties distinctes (le quotidien de Pamela dans son village proche de Bucarest, puis sa nouvelle vie en Belgique), le film a également le mérite de contourner tous les clichés et poncifs sur une communauté et les immigrés en général : si la jeune femme est Rom, elle n'est pas pour autant représentative de sa culture, et les institutions de son pays d'accueil ne la rejettent pas forcément : les séquences avec l'employée de la salle de sport ou la policière la raccompagnant après un contrôle d'identité et une nuit au poste montrent une Pamela traitée avec bienveillance, quand sa visite d'un camp de Roms pour retrouver sa petite fille révèle la méfiance de ses pairs envers elle. De même, l'œuvre refuse les stéréotypes sentimentaux : la relation avec le nouvel homme de sa vie (un brave quadragénaire de la classe moyenne dont l'existence est banale, attaché à Pamela mais ne la comprenant pas toujours, et pas seulement au niveau linguistique) évite tant l'angélisme des comédies romantiques que les lourdeurs d'un certain cinéma psychologique (Mon Roi de Maïwen). Et si l'histoire de Pamela et Bruno pourra faire penser au scénario de Je vous trouve très beau d'Isabelle Mergault, la démarche de Marta Bergman nous paraît plus authentique et singulière. Nous soutenons donc ce joli film qui outre la section ACID de Cannes a déjà reçu un accueil chaleureux dans huit festivals internationaux.

Gérard Crespo



 

 


2h01 - Belgique - Scénario : Marta BERGMAN, Laurent BRANDENBOURGER, Katell QUILLÉVÉRÉ, Boris LOJKINE - Interprétation : Alina SERBAN, Tom VERMEIER, Rebeca ANGHEL, Marie DENARNAUD, Marian SAMU, Johan LEYSEN, Karin TANGHE, Jonas BLOQUET.

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