Gueule d'ange
de Vanessa Filho
Sélection officielle
Un Certain Regard






La jeune femme indigne

Marlène, une jeune femme, vit seule avec Elli, sa fille de huit ans. Une nuit, après une rencontre en boîte de nuit, la mère décide de partir, laissant son enfant livrée à elle-même… Auteure de clips et de documentaires et photographe, Vanessa Filho a collaboré avec Diastème pour le scénario de ce premier long métrage. Adoptant le point de vue de la petite fille, le film se propose de scruter une enfant non pas en manque d’amour mais délaissée par une mère immature et irresponsable. La première séquence, sans doute la meilleure du métrage, décrit le repas de noces de Marlène (Marion Cotillard) et Jean (Stéphane Rideau) : la fête dégénère rapidement, quand la mariée improvise une chanson déplacée mettant mal à l’aise les invités, et surtout lorsque son époux, accompagné d’Elli, la surprend en train de copuler avec un homme dans les toilettes du restaurant. Exit Stéphane dès la seconde séquence du film, le cinquième mariage de Marlène n’aura duré que le temps d’une cérémonie. Sans emploi, se prélassant sur son canapé en visionnant des émissions de téléréalité, Marlène n’a guère de temps à consacrer à Elli sans pour autant lui refuser son affection et un amour maternel sincère. Elli est sa « gueule d’ange », sa petite poupée, et les rapports entre la mère et la fillette ne sont pas sans évoquer les liens entre Hannah et Violette dans My Little Princess, le film autobiographique d’Eva Ionesco, sauf que Marlène n’essaie pas de tirer profit de son enfant. L’œuvre est en outre basée sur une trame sociétale, abordant le cas des enfants alcooliques, sans que cela constitue le matériau central de la narration. Évitant une psychologisation excessive, la cinéaste privilégie les émotions brutes dues à des accidents de parcours ou des rencontres fortuites concernant Marlène ou sa fille.

« Toute la mise en scène a poursuivi le même objectif : approcher au plus près des émotions de mes personnages, traduites dans leur corps, sur leur corps. D’où des plans très proches et charnels, ou à l’inverse très larges, qui isolent les personnages dans des décors et des cadres constatant leur solitude, leur fragilité et, pour Marlène, un comportement et des choix illusoires », a précisé la réalisatrice. Bien aidée par son chef-opérateur Guillaume Schiffman qui a effectué un travail intéressant sur les couleurs, Vanessa Filho est cohérente dans ses choix de mise en scène. Et elle dirige à merveille la jeune Ayline Aksoy-Etaix, d’une grande sensibilité, qui ne tombe jamais dans le cabotinage de nombreux child actors. L’actrice en herbe est indéniablement un atout pour le film. Dans le rôle du jeune voisin dont elle aimerait bien qu’il soit son père de substitution, Alban Lenoir confirme le talent qu’on avait décelé dans Le Semeur de Marine Francen. Reste que le film n’est pas exempt de défauts et maladresses. Une musique emphatique et assourdissante noie parfois les dialogues, et un symbolisme pompier alourdit certains passages (le dénouement avec Julio). Et sur une trame similaire, Nobody Knows de Hirokazu Kore-eda (qui filmait des enfants abandonnés dans un appartement) ou The Florida Project de Sean Baker (chronique d’une mère dépassée) étaient bien plus percutants. Quant à Marion Cotillard, elle surjoue un peu trop son personnage. Malgré ces réserves, Gueule d’ange révèle une cinéaste inspirée dont nous attendons le second long métrage.

Gérard Crespo



 

 


2h - France - Scénario : Vanessa FILHO, DIASTÈME, François PIROT - Interprétation : Marion COTILLARD, Alban LENOIR, Ayline AKSOY-ETAIX, Amélie DAURE, Mario MAGHALES.

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