Une suite qui dérange - le temps de l'action
An Inconvenient Sequel : Truth to Power
de Bonni Cohen & Jon Shenk
Sélection officielle
Hors compétition

Séance spéciale








Une soutenabilité faible

L’ex-vice-président Al Gore poursuit infatigablement son combat en voyageant autour du monde pour former une armée de défenseurs du climat et exercer son influence sur la politique climatique internationale. Les caméras le suivent en coulisse, saisissent des moments publics et privés, se voulant drôles et émouvants : alors que les enjeux n’ont jamais été aussi importants, il défend l’idée que les périls du changement climatique peuvent être surmontés par l’ingéniosité et la passion des hommes…
Depuis Une vérité qui dérange, de nombreux films à thématique environnementale ont défilé sur les grands écrans, pour le meilleur (Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent), comme pour le pire (La Glace et le ciel de Luc Jacquet). La médiocrité d’Une suite qui dérange ne réside certes pas dans son propos. Al Gore réitère avec raison sa dénonciation du manque de prise de conscience du problème écologique, ou du lobbying des industries utilisatrices d’énergies fossiles. L’aveuglement climatosceptique du nouveau président Donald Trump n’est pas oublié : bien au contraire, Gore met en exergue le bond en arrière environnemental qui a résulté de son élection. Le film a d’ailleurs été actualisé depuis sa présentation au Festival de Cannes, Trump ayant explicitement annoncé en juin 2017 le retrait des États-Unis de l'accord de Paris.

Bien documenté, avec des sources statistiques fiables et des images percutantes de catastrophes naturelles, le film serait une bonne introduction à un débat citoyen autour des enjeux du développement durable. Ce qui ne va pas est d’abord l’absence de tout projet cinématographique dans le dispositif. Platement filmé, d’un académisme scolaire, ayant recours à des témoignages pleurnichards, le film ne semble qu’un produit destiné à mettre en scène Al Gore, dont les poses narcissiques occasionnent un sentiment de réelle gêne. Hésitant entre l’éloquence sentencieuse de Bernard-Henri Lévy dans Le Serment de Tobrouk et la bonhomie roublarde du Michael Moore de The Big One, Al Gore se fait filmer observant d'un air grave la banquise ou professant son prêche sur le même mode qu’un télévangéliste, avec multiples plans de coupe sur un public extasié lui réservant à chaque conférence une standing ovation. Et quand le gouvernement indien hésite à signer le protocole de la COP21, c’est bien sûr notre Robin des Bois de la soutenabilité qui réussit à jouer les médiateurs, en soufflant l’idée d’un contrat d’achat d’énergies renouvelables à tarif préférentiel… Au final, ce genre de documentaire reste bien évidemment respectable sur le fond mais ne nous semble pas avoir sa place dans les salles de cinéma : il conviendrait davantage au petit écran ou aux marchés du DVD et du streaming.

Gérard Crespo  


1h40 - États-Unis - Documentaire - Production : ACTUAL FILMS, PARTICIPANT MEDIA - Distribution : PARAMOUNT PICTURES.

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