Trois visages |
La liberté de jouer Une célèbre actrice iranienne reçoit la troublante vidéo d’une jeune fille implorant son aide pour échapper à sa famille conservatrice. Elle demande alors à son ami, le réalisateur Jafar Panahi, de l’aider à comprendre s’il s’agit d’une manipulation. Ensemble, ils prennent la route en direction du village de la jeune fille, dans les montagnes reculées du Nord où les traditions ancestrales continuent de dicter la vie locale…Jafar Panahi avait été révélé à la Quinzaine des Réalisateurs 1995 avec Le Ballon blanc, qui avait obtenu la Caméra d’or. En 2011, Ceci n’est pas un film, tourné dans la clandestinité, avait fait l’objet d’une séance spéciale en sélection officielle. Panahi fait partie de la longue liste des artistes mondiaux à qui l'on a ôté le droit d'expression (interdiction de tourner pendant vingt ans en Iran et assignation à résidence). Il trouve pour son cinquième film clandestin une nouvelle manière de dire à demi-mots le désarroi d'une société. Son regard, qui est celui d'un opposant à la colère tendre (l'humour que contient sa vision des choses est précieux), permet au film de le rendre généreux par-delà sa condition. D'ailleurs, Panahi est tout sauf cynique : il préfère la simplicité et la légèreté aux armes de l'éloquence et du récit-choc. |
Bien que sa séquence d'ouverture, filmée avec un portable, soit une image violente, il en découle un film-enquête en forme de road movie dans lequel Panahi, au volant de sa voiture (mais qui pourtant ne se met jamais en scène en tant que sujet) accompagne l'actrice Behnaz Jafari à la recherche d'une mystérieuse jeune fille qui a envoyé un appel au secours contre la condition sociale à laquelle sa famille la promettait. Trois visages est d’abord un film en hommage à Kiarostami, car l’on songe souvent aux situations filmées dans Le Goût de la cerise, Close-Up ou Le Vent nous emportera. C’est aussi une œuvre sur la liberté de jouer, qui ne cerne pas seulement une actrice, mais les actrices en général, avec quelque part l’évocation d'un film dans le film. Trois visages n'est certes pas le meilleur jalon de la filmographie de Panahi : sa dimension parfois anecdotique et répétitive (dans le cadre de l’œuvre du réalisateur) le dessert et il y manque la créativité de la mise en scène et du jeu qui faisait le sel de Taxi Téhéran. Mais il reste un beau film d'opposant, dont la clandestinité est un geste positif : c'est tout à l’honneur de Panahi, que d’avoir porté un regard privilégiant l'inspiration créatrice plutôt que la vengeance amère et rance. Son film en est d'autant plus fort qu'il ne se complaît jamais dans la douleur et le cri d'injustice.
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1h24 - Iran - Scénario : Jafar PANAHI, Nader SAEIVAR - Interprétation : Behnaz JAFARI, Marziyeh REZAEI, Narges DEL ARAM. |