« On ne parle pas de justice, uniquement de politique »

Parmi la filmographie de Jafar Panahi, c’est à l’argument de Hors jeu que l’on pense le plus en visionnant cet objet cinématographique que le réalisateur iranien a fait parvenir au Festival en toute clandestinité, procédé repris par son compatriote Mohammad Rasoulof pour Au revoir, également présenté en sélection officielle. Assigné à résidence en l’attente de l’appel de son procès, condamné à six ans de prison, interdit de filmage pour vingt ans, Panahi, qui a choisi délibérément la résistance in situ à l’exil, confirme par cette démarche qu’il n’abandonne pas et qu’il tente par tous les moyens d’user d’une liberté d’expression dont son pays l’a privé.

Dans Ceci n’est pas un film, sorte de Pater en négatif, Panahi, filmé par son complice Mojtaba Mirtahmasb, s’improvise donc acteur le temps d’une journée entière, la veille de la fête Noruz, soit le Nouvel An iranien, fête du printemps que l’Etat veut également interdire pour cause de paganisme.

Acteur de rien, de cette vie que l’interdiction a vidée de son sens : alors, entre les murs, sur le tapis du salon, il trace le script d’un scénario que pour l’instant il a dû remiser avec bien d’autres dans un carton, et il parle lorsque sa voix ne se noue pas, confronté aux doutes mais livrant la preuve par l’absurde que le cinéma peut vaincre la censure.

En attendant qu’un jour le réalisateur puisse filmer la véritable histoire de Maryam, la communauté internationale relaie, de transmission en transmission de ce non-film, un superbe acte de résistance, une précieuse contribution à la liberté d’expression et un acte de cinéaste fondamental.

Marie-Jo Astic