Nos batailles |
L’absente Olivier (Romain Duris) se démène au sein de son entreprise pour combattre les injustices. Mais du jour au lendemain quand Laura, sa femme, quitte le domicile, il lui faut concilier éducation des enfants, vie de famille et activité professionnelle. Face à ses nouvelles responsabilités, il bataille pour trouver un nouvel équilibre, car Laura ne revient pas… Guillaume Senez était l’auteur d’un premier long métrage, Keeper, qui relatait avec finesse l’existence de deux ados attendant leur propre enfant. Nos batailles adopte la même veine naturaliste mais se situe dans son premier tiers essentiellement dans le monde de l’entreprise. En faisant du personnage principal un chef d’équipe porté sur la question syndicale et luttant au quotidien contre les dérives patronales, le réalisateur et sa coscénariste Raphaëlle Desplechin orientent le métrage sur la piste des films français à vocation critique sur le monde du travail, tels Ressources humaines de Laurent Cantet ou Violence des échanges en milieu tempéré de Jean-Marc Moutout. Et là, force est de reconnaître que les dialogues et situations sonnent un peu faux, de la responsable du personnel bornée refusant d’admettre que le manque de chauffage pose problème, au médecin du travail à l’éthique fragile qui transmet les dossiers de santé à sa hiérarchie. En comparaison à La Loi du marché ou du récent En guerre de Stéphane Brizé, le film manque ici de nuances et enfonce des portes ouvertes. Fort heureusement, ces défauts s’estompent rapidement et le récit prend une toute autre direction dès la disparition de l’épouse d’Olivier. |
Nos batailles devient alors un beau mélodrame familial, sans pathos ni chantage aux sentiments, avec un mélange de précision d’écriture et de semi-improvisation dans la lignée d’un certain cinéma indépendant (Cassavetes, Pialat…). Complètement déstabilisé par le départ de sa femme, Olivier croit d’abord à un enlèvement ou un problème médical avant de se rendre à l’évidence : pour des raisons qu’il ignore et ne seront pas dévoilées, Laura l’a tout simplement abandonné, ainsi que leurs deux enfants. L’effet sur cet être en apparence solide ne sera pas de tout repos, et le film parvient à captiver avec un matériau pourtant déjà vu maintes fois à l’écran. Dans un entretien avec Philippe Rouyer et Yann Tobin pour la revue Positif, le cinéaste a déclaré : « Si ce genre d’histoire a déjà été raconté trois millions de fois, à moi d’aller chercher ailleurs et d’éviter ce qui est prévisible ». Il y parvient par une mise en scène scrutant au plus près les failles des protagonistes, privilégiant le plan-séquence et l’absence de contrechamp. Romain Duris, d’une sobriété exemplaire, trouve l’un de ses meilleurs rôles et prouve que son jeu se bonifie avec les années. Il est bien entouré par des seconds rôles féminins remarquables, comme Laure Calamy (Ava) en copine de travail et de combat secrètement amoureuse, Lætitia Dosch (Jeune femme) qui joue sa sœur à la fois fantasque et rassurante, ou Dominique Valadié en grand-mère aussi bien lucide que troublée.
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1h38 - Belgique, France - Scénario : Guillaume SENEZ, Raphaëlle DESPLECHIN - Interprétation : Romain DURIS, Laure CALAMY, Lætitia DOSCH, Lucie DEBAY, Sarah LE PICARD, Cédric VIEIRA, Dominique VALADIÉ. |