Jeune femme
de Léonor Serraille
Sélection officielle
Un Certain Regard
Caméra d'or





« Vous êtes une jeune femme libre »

Un chat sous le bras, des portes closes, rien dans les poches : voici Paula, de retour à Paris après une longue absence. Au fil des rencontres, la jeune femme est bien décidée à prendre un nouveau départ. Avec panache… Le film démarre sur un ton agaçant, avec un air de déjà-vu qui pourrait décourager. Une jeune femme larguée pète un plomb, vocifère à en perdre les cordes vocales, se cogne contre un mur jusqu’au sang. Aurions-nous affaire à un nouvel ersatz de trentenaire névrosée, cousine française de Bridget Jones ? Serait-elle la petite sœur de l’antihéroïne en borderline incarnée naguère par Valeria Bruni Tedeschi dans Les Gens normaux n’ont rien d’exceptionnel ? La caméra la traque, et les rares seconds rôles ont droit à de furtifs contrechamps : une version à peine édulcorée de La Femme défendue de Philippe Harel ? Que nenni : ces appréhensions s’avèrent vite dissipées, et Jeune femme trouve ses marques en distillant un réel charme. Il s’agit du scénario de fin d’études de Léonor Serraille, diplômée de la Femis, et qui avait réalisé un moyen métrage inspiré, Body, avec Nathalie Richard, ici dans le rôle de la mère, guère plus équilibrée que la fille. Paula est fragile mais déterminée, et doit choisir entre la liberté et l’intégration. Le dilemme est d’autant plus délicat que la jeune femme croise sur sa route soit des êtres conformistes qui entravent sa fantaisie, soit des personnages dont les fêlures ne peuvent compenser son manque de repères. Seul le collègue de la boutique dans laquelle elle a trouvé un emploi précaire est à même de la combler, à travers une amitié amoureuse qu’elle semble apprécier.

Mais un matou encombrant, une grossesse imprévue et le retour de l’ex compliquent les arbitrages de Paula… « Je suis attachée à ces tempéraments à la fois forts et vulnérables, trahis par leurs qualité, sublimés par leurs failles », a déclaré la réalisatrice. Le résultat est prometteur. Léger, gracieux, dynamique, attachant : les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ce premier long métrage dont la concision n’est pas la moindre qualité, comparativement à nombre de comédies poussives s’étirant sur deux heures. Le sentiment d’improvisation de certains passages (la complicité avec la petite fille) est en fait en trompe-l’œil : Léonor Serraille fait preuve de réelles qualités d’écriture et de dialogue, et un montage elliptique insuffle un véritable rythme au récit, contribuant à la fluidité de la mise en scène. Il faut aussi souligner que le film a été porté par une équipe de talent majoritairement féminine, de la productrice Sandra de Fonseca à la directrice de la photo Émilie Noblet, en passant par ses dynamiques actrices dont Laetitia Dosch (La Bataille de Solférino) ou Léonie Simaga (ex-pensionnaire de la Comédie-Française). Même si des œuvres plus ambitieuses et abouties auraient pu prétendre à la Caméra d’or (on pense en particulier à Petit paysan ou Pour le réconfort), Jeune femme n’a pas démérité son prix et révèle une auteure à suivre.

Gérard Crespo


1h37 - France, Belgique - Scénario : Léonor SERRAILLE - Interprétation : Laetitia DOSCH, Souleymane SEYE NDIAYE, Grégoire MONSAINGEON, Léonie SIMAGA, Nathalie RICHARD, Lila-Rose GILBERTI-POISOT, Audrey BONNET, Erika SAINTE.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS