Top of the Lake (saison 2) : China Girl
de Jane Campion & Ariel Kleiman
Sélection officielle
Hors compétition

Événement 70e anniversaire








Portrait de femmes

L’inspectrice Robin Griffin, fraîchement retournée à Sydney, tente d’y reprendre sa vie en main. Quand les vagues rejettent sur la plage de Bondi le corps d’une jeune Asiatique, les espoirs de démasquer son meurtrier semblent bien minces – jusqu’à ce que Robin découvre que la victime n’est pas morte seule... Si elle voit dans cette enquête un moyen de se reconstruire, Robin se trouve vite rattrapée par des préoccupations d’ordre personnel. Hantée par le souvenir de l’enfant qu’elle a abandonnée à la naissance, elle cherche à tout prix à la retrouver, mais redoute de dévoiler la vérité sur sa conception. Sa quête pour découvrir l’identité de la jeune fille la conduira jusque dans les recoins les plus sombres de la ville, et lui fera toucher du doigt, de manière insoupçonnée, des secrets profondément enfouis en elle.

Lire notre critique de la saison 1

Les fans de la saison 1 retrouveront des similitudes avec les premiers épisodes de la série : le meurtre d’une jeune fille fragile qui sert de MacGuffin, les doutes de la policière Robin Griffin, elle-même déstabilisée par un passé familial qui la rattrape, de longues digressions sur des personnages secondaires qui nous éloignent de l’énigme policière à résoudre, une communauté de femmes victime de la domination masculine, une noirceur de situations mêlée à un style glacé et sans fioritures, et enfin le concours d’une actrice culte de Jane Campion en guest-star. Nicole Kidman (Portrait de femme) succède à Holly Hunter (La Leçon de piano) : même mystère sur la personnalité, même chevelure grisonnante : si son personnage est plus flou et dégage moins de charisme, le jeu subtil et suggestif de Nicole Kidman compense aisément l’agaçante prestation Actors Studio de Holly Hunter.

Pour ce qui est des innovations, China Girl pourra déconcerter par son cadre spatial : les paysages naturels et westerniens de la Nouvelle-Zélande, qui avaient tant contribué à la fascination exercée par la série, ont été remplacés par l’espace urbain de Sydney, Jane Campion se moulant davantage dans les conventions de décor du polar. Cela n’exclut pas une photo magnifique et une mise en scène apte à cerner les déplacements des personnages dans une ville filmée loin des clichés touristiques. Et les images de la mer, présentée comme purificatrice aussi bien que dangereuse, font écho au lac ténébreux de la saison 1. Le scénario n’est pas de tout repos et propose une vision pessimiste des rapports sociaux, et notamment de genre : un bordel clandestin dans lequel officient de jeunes Asiatiques mais aussi, occasionnellement, une lointaine descendante de Belle de Jour ; des geeks notant les prostituées comme s’ils évaluaient des prestations de booking.com, un universitaire quadragénaire devenu l’amant et le gourou d’une mineure instable, un sombre trafic de mères porteuses… Si Jane Campion, Ariel Kleiman et le scénariste Gerard Lee ont parfois la main lourde dans le caractère féministe des intentions, China Girl n’en demeure pas moins une production télévisée de qualité, qui culmine avec une scène d’affrontement où un personnage de la saison 1 effectue son come-back, et une magistrale séquence de suspense policier sur une plage, dans l’épisode 6. Elisabeth Moss, que l’on a pu également admirer en 2017 dans The Square, et par ailleurs lauréate de deux Golden Globes et d’un Emmy Award, confirme la solidité de ses capacités dramatiques. Mais elle se fait voler quelque peu la vedette par Gwendoline Christie (Star Wars, Game of Thrones), impériale en équipière titanesque, rare figure d’humanité dans cet univers glauque et revanchard.

Gérard Crespo


5h50 - Australie - Scénario : Jane CAMPION, Gerard LEE - Interprétation : Elisabeth MOSS, Gwendoline CHRISTIE, David DENCIK, Alice ENGLERT, Nicole KIDMAN.

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