Patti Cake$
de Geremy Jasper
Quinzaine des Réalisateurs
Clôture







« Chante la vie… chante »

Patricia Dombrowski, alias Patti Cake$, a vingt-trois ans. Elle rêve de devenir la star du hip-hop, rencontrer O-Z, son Dieu du rap et surtout fuir sa petite ville du New Jersey et son job de serveuse dans un bar miteux. Elle doit cependant s’occuper de Nana, sa grand-mère qu’elle adore, et de Barb, sa mère, une chanteuse ratée et totalement instable. Un soir, au cours d’une battle sur un parking, elle révèle tout son talent de slammeuse. Elle s’embarque alors dans une aventure musicale avec Jheri, son meilleur ami, et Basterd, un musicien mutique et asocial… Présenté au Festival de Sundance et en clôture de la Quinzaine des Réalisateurs 2017, ce premier film y a connu un joli succès auprès du public, touché par des personnages décalés, tenaces ou désabusés, et en quête de reconnaissance. Son réalisateur Geremy Casper, issu de la publicité et du clip, a noué une trame vaguement autobiographique. Originaire du New Jersey (comme ses antihéros), il y a côtoyé une faune passionnée de rap, et avait lui-même joué dans un groupe de rock indépendant. On s’attache très vite à Patti, jeune fille stigmatisée par son apparence physique, vivant dans un taudis et souhaitant s’intégrer à un milieu qui la rejette : femme, blanche et obèse, elle ne coche aucune case de l’apprentie-rappeuse, si ce n’est sa détermination à se faire une place dans un groupe et la société. Son personnage n’est pas sans rappeler ceux campés par Ricky Lake dans Hairspray (en mode plus burlesque) ou, en version sobre, KT Gorique dans Brooklyn, récit d’une inconditionnelle de freestyle tourné à Aubervilliers.


Mais les cinéphiles amateurs de rap retrouveront davantage de correspondances avec les deux modèles du genre que constituent Slam de Marc Levin et 8 Mile de Curtis Hanson. Certes, Geremy Jasper ne joue pas dans la même catégorie, et Patti Cake$ souffre de plusieurs défauts : un scénario prévisible, un ton consensuel et une portée intergénérationnelle visant à ratisser large, ou des personnages dont les retournements d’humeur se manifestent de façon mécanique : c’est le cas de la mère, chanteuse ratée amère mais humaine sous une carapace de rancœur, dont les traits auraient pu être croqués avec davantage de nuance. Le cinéaste abuse aussi de certains procédés stylistiques (les séquences de rêve) trop marqués par l’esthétique publicitaire. Pourtant, l’une de ces scènes frôle la beauté du Velvet Goldmine de Todd Haynes, et le film a des qualités indéniables : un montage mettant en avant le vertige musical (certes moins brillant que celui de Whiplash), un traitement singulier du thème de la mort (peu fréquent dans ce type de film), ainsi que des interprètes remarquables : Danielle Macdonald, jeune actrice et chanteuse australienne, est une révélation. Elle est bien entourée par Bridget Everett (qui n’a rien à envier à Bette Midler) ; Cathy Moriarty (la Vickie de Raging Bull, ici dans un rôle de mamie !) ; ou McCaul Lombardi (déjà beau gosse et bad boy dans American Honey). Au final, ce film au demeurant mineur se regarde sans déplaisir et constitue un portrait insolite d’une certaine Amérique.

Gérard Crespo



 

 


1h48 - États-Unis - Scénario : Geremy JASPER - Interprétation : Danielle McDONALD, Bridget EVERETT, Mamoudou ATHIE, Siddharth DHANANJAY, McCaul LOMBARDI, Sahr NGAUJAH.

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