Coby
de Christian Sonderenger
Acid






La confusion des genres

Dans un village au cœur du Middle West (États-Unis), Suzanna, vingt-trois ans, change de sexe. Cette transformation bouleverse la vie de tous ceux qui l’aiment… Diplômé de l’École Nationale Supérieure Louis Lumière, Christian Sonderegger a été opérateur, ingénieur du son et scénariste sur des longs métrages, tout en réalisant plusieurs courts primés dans des festivals internationaux. Il a choisi le documentaire pour raconter l’histoire de Coby, son demi-frère, tant il pressentait qu’on lui aurait reproché le manque de crédibilité s’il avait adopté le mode de la fiction. Le cinéaste avait pris contact avec sa mère biologique il y a une quinzaine d’années. Celle-ci, américaine, vivait aux États-Unis avec son mari ainsi que deux enfants dont une fille, Suzanna. Très tôt, la fillette a affirmé son désir de s’exprimer, de s’habiller et de se coiffer comme un garçon, avant de revendiquer son homosexualité à l’adolescence puis son désir de changer de genre. Quatre-vingts vidéos YouTube postées par Suzanna, devenue Coby, puis Jacob, ont révélé les confidences de la jeune fille devenue homme, les internautes ayant pu prendre connaissance de son évolution physique et de ses réactions face à la psychothérapie préalable ou après les prises de testostérone. Ce n’est pas ce qui a intéressé le réalisateur, qui s’est refusé à tout voyeurisme de reality show, et a préféré commencer la préparation du film à la fin du processus de transformation. Il a en outre insisté sur les aspects bénéfiques du choix de Coby : comment ses parents l’ont accompagné en lui témoignant un amour constant, comment sa petite amie lui a témoigné un soutien sans failles, et surtout pourquoi il se sent beaucoup mieux dans sa peau.

Le film manifeste ici la même subtilité que They d’Anahita Ghazvinizadeh (en moins arty), et tranche avec certaines fictions doloristes dramatisant à l'excès la thématique transgenre. « J’ai voulu filmer un état. Et essayer de montrer ce qui le constitue. Comment il se construit. Et comment cette famille en est arrivée là. Et pour cela, il fallait se débarrasser du diktat qu’un personnage doit souffrir pour changer et que le spectateur doit ressentir sa souffrance. On la perçoit dans ce moment où notre mère reprend son souffle avant de finir sa phrase. Une pause qui nous fait comprendre combien cela lui a coûté d’accepter que sa fille devienne un garçon », a déclaré le cinéaste. Le second personnage essentiel du documentaire est donc bien cette mère bienveillante et tolérante, ou qui essaie de s'en persuader devant la caméra, mais dont on comprend les fêlures compte tenu de son passé : le regard que pose sur elle le cinéaste a ici de troublantes similitudes avec la démarche d’Eric Caravaca dans le touchant Carré 35. Pour autant, Christian Sonderegger est davantage en retrait (aucune voix off ni apparition à l’écran) : une chaise vide perçue à l’occasion d’un repas de famille filmé en plan-séquence révèle la distance qu’il a prise avec les protagonistes, en dépit de l’amour sincère qu’il leur porte. Modeste dans sa forme mais témoignant d’une rigueur de mise en scène (le choix des plans larges pour la discussion entre Sarah et Coby, le décor étant aussi important que le couple), passionnant dans son discours sur l’identité de genre, d’un propos humaniste sans être pamphlétaire, Coby est un documentaire indispensable dont on ressort grandi.

Gérard Crespo



 

 


1h17 - France - Documentaire - Production : CIAOFILM, WILLOW FILM - Distribution : ÉPICENTRE FILMS.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS