Barbara |
La divine Pour son nouveau long métrage, Mathieu Amalric reste fidèle à l’univers des comédiens qu’il avait merveilleusement abordé dans Tournée. Les amateurs du cinéaste et les fans de la « grande dame brune » ne devraient pas être déçus, mais nul ne doit s’attendre à un biopic édulcoré et académique comme il en a tant fleuri sur les écrans depuis plusieurs années, de la trop célèbre Môme d’Oliver Dahan à l’inénarrable Dalida de Lisa Azuelos, en passant par le clinquant Cloclo de Florent Emilio Siri, cette remarque étant précisée en nous limitant aux seuls biopics de chanteurs français… Bien sûr, des passages obligés de la vie publique et privée de Barbara sont abordés, comme ses caprices de diva maniérée, sa solitude sentimentale ou son militantisme contre le sida ; les extraits de chansons, de Gottingen à L'Aigle noir, imprègnent la bande sonore pendant toute la projection. Mais l’essentiel est ailleurs. Le réalisateur a eu l’intelligence et la subtilité de créer un décalage par le bais du personnage de Brigitte, une actrice incarnant précisément la chanteuse sur le tournage d’un film dirigé par un réalisateur illuminé (Amalric lui-même). Le dispositif de faux biopic est ainsi dévoilé dès la fin de la première séquence, qui a montré la brève confrontation entre Barbara et sa mère (Aurore Clément). |
Or, il s’agit bien d’un « film dans le film », qui met alors le spectateur face à un effet de trompe-l’œil, les frontières entre le récit de Brigitte et celui de Barbara étant volontairement fragiles. Barbara devient alors ce mythe qui irrigue la narration et donne au film une réelle source d’inspiration poétique et musicale : la chronologie est bousculée, et les documents d’archives (interviews et tournées de la vraie Barbara) se superposent aux scènes de tournage de fiction pour former un puzzle fascinant, même si le montage pourra déconcerter par son souci de privilégier la sensation au sentiment, l’ellipse au confort du déroulement narratif balisé. On est bien sûr loin des fulgurances du Saint Laurent de Bonello et Barbara souffre de quelques longueurs et chutes de rythme, mais la balade jazzy proposée distille un réel charme. Loin des numéros d’actrice à Oscar, Jeanne Balibar dévoile une réelle sensibilité, « protégée » par la mise en abyme souhaitée par le cinéaste. Son interprétation ne force pas le trait : même si le célèbre timbre de voix, les mimiques et gestuelles de Barbara sont imités, le relai exercé par son rôle crée une distanciation qui fait la principale qualité du film d’Amalric.
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2h - France - Scénario : Mathieu AMALRIC, Philippe DI FOLCO - Interprétation : Jeanne BALIBAR, Mathieu AMALRIC, Aurore CLÉMENT, Grégoire COLIN, Vincent PEIRANI, Fanny IMBER. |