Mimosas, la voie de l'Atlas
de Oliver Laxe
Semaine de la Critique
Grand Prix Nespresso






Les fils du désert

Une caravane accompagne un cheik âgé et mourant à travers le Haut Atlas marocain. Sa dernière volonté est d’être enterré à côté de ses proches. Mais la mort n’attend pas. Les caravaniers, craignant la montagne, refusent de continuer à porter le cadavre. Saïd et Ahmed, deux voyous voyageant avec la caravane, disent connaître la route et affirment qu’ils mèneront le corps à destination. Dans un monde parallèle, Shakib est désigné pour aller dans la montagne avec une mission : aider les caravaniers de fortune... Il s’agit du second long métrage d’Oliver Laxe, réalisateur français d’origine espagnole, révélé à la Quinzaine des Réalisateurs en 2010 avec Vous êtes tous des capitaines, documentaire autobiographique et fantasmatique tourné au Maroc. Sous une apparence plus linéaire, et avec une trame narrative limpide bien que distillant un climat de mystère, Mimosas est un bel objet de cinéma, insolite et troublant. Ce conte épique et réaliste se réfère à la tradition du roman de chevalerie et à la Quête du Graal, tout en se situant aux confins du mystique, avec le personnage protecteur de Shakib, mi-ange, mi-idiot, qui exerce un ascendant manifeste sur l’un des deux aventuriers opportunistes. Le film n’hésite pas à brouiller les pistes, en filmant deux mondes aux antipodes qui se côtoient : d’un côté la montagne et le désert, avec la caravane qui accompagne le vieux cheikh, de l’autre un cadre plus urbain et moderne avec une place publique, des taxis, des hommes se rendant au travail, la jonction entre ces univers s’établissant au fil de l’intrigue.

Sans se complaire dans des élans ésotériques ou un formalisme gratuit, Oliver Laxe utilise avec bonheur le cadre géographique du Haut Atlas, filmant une nature à la fois sereine et inquiétante, protectrice et dangereuse, qui établit de singulières correspondances avec l’homme. « Je voulais que mes personnages soient dans l’acceptation, sentir le bruit de leurs pas dans les rochers, la neige ou l’eau. Le choix le plus important fut d’assumer, au montage, que la nature n’est dans le film qu’un décor. On a sacrifié des plans de paysages plus spectaculaires, un choix difficile. Alors oui, il y a bien des moments où l’on sent l’effort de l’homme qui se fond dans la nature, en lutte ou en harmonie avec elle, une musique se crée alors avec leurs pas. Mais c’est très ponctuel. La nature est d’abord un paysage, et c’est suffisant comme ça. D’autant qu’à mon sens mes personnages sont à son échelle : naturels et aussi grands que les montagnes », a déclaré le réalisateur. Une agression inattendue en plein désert fait alors penser, toute proportion gardée, à Délivrance de John Boorman, mais Oliver Laxe semble également revisiter à la fois le western et le fantastique (suggestif), à l’instar de la démarche de Clément Cogitore dans Ni le ciel, ni la terre, tout en évoquant l’ascèse de Bresson ou Tarkovski. Ces références ne ternissent en rien l’originalité de style d’Oliver Laxe, sans doute l’un des artistes les plus ambitieux et doués du cinéma indépendant européen.

Gérard Crespo

 



 

 


1h36 - Espagne, Maroc, France, Qatar - Scénario : Oliver LAXE, Santiago FILLOL - Interprétation : Ahmed HAMMOUD, Shakib BEN OMAR, Said AAGLI, Ikram ZELAOUI.

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