Harmonium
Fuchi Ni Tatsu
de Fukada Kôji
Sélection officielle
Un Certain Regard
Prix du Jury






Entre non-dits et refoulement

Dans une banlieue japonaise, Toshio et sa femme mènent une vie paisible avec leur fille. Un matin, un ancien ami de Toshio se présente à l’atelier, après avoir passé dix ans en prison. Il lui offre emploi et logis, mais peu à peu, ce dernier s’immisce dans la vie familiale…
Né à Tokyo en 1980, Kôji Fukada a été découvert en France avec la sortie en 2013 de son film Au revoir l’été, une chronique familiale doublée d’une critique de la société japonaise qui convoquait l’esprit du cinéma d’Eric Rohmer. Projeté dans la section Un Certain Regard, Harmonium n’a pas déçu tous ceux qui attendaient des nouvelles de ce jeune cinéaste et a séduit le jury présidé par Marthe Keller qui a lui a remis l’un de ses prix.
Le film est un mélodrame très maîtrisé, qui refuse l’emphase, le pathos et les excès de sentimentalisme, malgré l’utilisation insistante d’une très belle musique et une thématique sur le fil du rasoir, pouvant laisser craindre le pire. On découvre, bien au contraire, une œuvre âpre, heurtée et étonnante, qui impressionne notamment par une sorte de mélange des genres (surgissement du fantastique au sein d’une histoire familiale plutôt banale) qui rend le film passionnant et troublant.

La mise en scène (tout comme le scénario écrit par le réalisateur lui-même) est sublime, laissant la part belle aux ellipses, aux sauts dans le temps, aux retournements de situation et aux zones d’ombre en partie expliquées vers la fin du long métrage. Fukada porte à nouveau un regard critique sur la société japonaise, entre non-dits et refoulement, évoque les thèmes de la culpabilité, de la vengeance, et creuse en profondeur le motif de la famille nippone (sous ses apparences parfaites, le vernis craque petit à petit) et le sens de la religion. Une violence sourde et mélancolique traverse tout le film, explosant littéralement à certains moments de l’histoire. S’il convient également de souligner la grande justesse de tous les acteurs / actrices, une mention spéciale peut être décernée à Asano Tadanobu, véritable star dans son pays, aperçu dans Zatôichi ou Vers l’autre rive, qui sera à l’affiche du prochain long métrage de Martin Scorsese, Silence.
Harmonium est une réussite indéniable, d’une beauté tranquille, d’une subtilité remarquable sur un tel sujet, qui se clôt sur un final bouleversant et dramatique, laissant des traces longtemps après la projection.

Xavier Affre


1h58 - Japon - Scénario : Fukada KÔJI - Interprétation : Tadanobu ASANO, Kanji FURUTACHI, Mariko TSUTSUI, TAÏGA.

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