Office |
Les angoisses du travail Cet angoissant suspense, qui tend vers l'horreur en s'abreuvant de violence et d'hémoglobine, a été présenté en séance de minuit du 68e Festival de Cannes, et s'est avéré pour les cinéphiles aussi jouissif que Mad Max : Fury Road. Atmosphérique thriller coréen, Office (« O Piseu » en langue originale) avait encore plus sa place devant la foule déchaînée du Festival Fantasia de Montréal où il a aussi été projeté. Car pour un premier long métrage, on peut dire que Won-Chan Hong frappe fort. Il avait été l'un des scénaristes de Chugyeogja (The Chaser), également sélectionné à Cannes et à Fantasia il y a quelques années. Il construit avec le présent film une réflexion aussi amusante que troublante sur les conséquences du surmenage au travail. Refusant la voie uniquement dramatique ou le film philosophique, le cinéaste opte pour la veine sanglante la plus horrifique, qui emprunte ses codes à l’univers sacré du slasher, tout en renouvelant le genre. On songe à Severance de Christopher Smith, mais en plus concis et moins éparpillé. Ainsi, le film plonge le spectateur dans le chaos d’un bureau des plus conventionnels, à la différence près que l'action se situe la semaine qui suit la disparition d’un collègue qui, à la surprise générale, a assassiné tous les membres de sa famille à coups de hache. Alors que la charge de travail ne s’amenuise pas et que les tensions s’intensifient pour diverses raisons, une enquête minutieuse se met en place : elle concerne autant le policier assigné à la tâche que le spectateur qui en découvre toujours un peu plus sur les circonstances menant à la nuit d’horreur. |
L'intrigue se corse lorsque les travailleurs qui s’activent sous nos yeux et qui semblent cacher des secrets disparaissent progressivement. Tandis que les cadavres s'accumulent, on soupçonne de plus en plus le tueur d’être encore caché dans l'entreprise. La plus grande réussite de Office réside dans son ambiance qui dépasse celle des simples films d’horreur de studio. Son rythme posé et sa mise en scène méticuleuse et recherchée révèlent un style soigné et une démarche parfois cérébrale, comme l'atteste l'ingénieux travail sur les hallucinations et la démence. En même temps, le film ravira les amateurs de sensations fortes, avec son suspense et ses effets sonores, le thème musical à la fois subtil et angoissant s'avérant particulièrement brillant. Bien sûr, le montage mériterait d’être resserré en raison de plusieurs baisses de régime en deux heures, mais la maîtrise technique est remarquable. Parmi les interprètes d'une galerie représentative des stéréotypes de bureau (l'inadaptée sociale, le couple secret, le méchant patron, etc.), la brillante Ah-Sung Ko sort indéniablement du lot. La muse du cinéaste visionnaire Bong Joon-Ho, qui l’a notamment dirigée dans Gwoemul (The Host) et Snowpiercer, se joue des soupçons et appréhensions du spectateur pour proposer un personnage au premier abord inoffensif, mais qui cache bien son jeu. Office est donc à nouveau la preuve que le cinéma coréen fait désormais partie du paysage du septième art. Sans pouvoir être élevé au rang d'œuvre majeure, le film est tout à fait recommandable. Jim Chartrand En collaboration avec le site Bible urbaine
|
1h49 - Corée du Sud - Scénario : CHOI Yun-jin - Interprétation : KO Ah-sung, PARK Sung-woong, BAE Sung-woo. |