Lost River |
La petite maison dans la prairie Avant sa présentation cannoise, la première réalisation de Ryan Gosling a bénéficié d’une couverture médiatique excessive, et d’aucuns n’hésitaient pas à envisager une Caméra d’or avant même que le film ne soit projeté… « Tu m’as tout donné, tu m’as tout repris », chantait le regretté Mike Brandt. Aussitôt après avoir été vu par les festivaliers, une bronca tout aussi injustifiée s’est déchaînée contre l’œuvre, rappelant le soufflet retombé qu’avait constitué Only God forgives en sélection officielle l’an passé. Si le nom de Ryan Gosling avait été inconnu, on peut penser que personne n’aurait parlé du film le jour de l’annonce de sa sélection à Un Certain Regard, et que des applaudissements tièdes mais réels auraient accompagné le générique de fin. Mais de quoi s’agit-il ? L’action se situe dans la banlieue post-industrielle de Detroit, la même que celle qui a été filmée dans le documentaire Roger et moi (M. Moore, 1989), mais dans une approche évidemment plus allégorique et visionnaire. Des quartiers entiers sont ravagés, leurs habitants croulent sous l’endettement et une désertification se poursuit inexorablement. Parmi les rares autochtones, une famille lutte pour sa survie.
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La mère, célibataire, se livre à une sorte de prostitution dans un cabaret glauque, tandis que son fils aîné (Ian de Caestecker, sosie de Ryan), lutte contre ses démons. Cette première œuvre de Gosling est une étrange auberge espagnole, au style plutôt gothique, et dont les références sont multiples. Si Nicolas Winding Refn est convoqué, celui de Drive aussi bien que l’auteur du Guerrier silencieux, on trouvera aussi l’influence manifeste du Lynch de Lost Highway, du Coppola de Rusty James voire du Welles de La Soif du mal. On pourra reprocher au cinéaste d’être tenté par le péché mignon du recyclage, sans apporter véritablement de plus-value à un fatras symbolique et poétique, ses flammes diaboliques et ses bas-fonds poisseux créant un effet de surcharge. Pourtant, Ryan Gosling sait créer un univers, montre une maîtrise technique indiscutable, possède un sens aigu des digressions narratives et se révèle bon directeur d’acteurs. Se fondent ainsi dans le récit des personnages secondaires bien croqués, du chauffeur de taxi ange gardien (Reda Kateb), à la grand-mère muette incarnée par la toujours fascinante Barbara Steele, naguère muse horrifique des cinémas de Argento et Bava. Gérard Crespo |
1h45 - États-Unis - Scénario : Ryan GOSLING - Interprétation : Saoirse RONAN, Christina HENDRICKS, Ben MENDELSOHN, Eva MENDES, Matt SMITH, Iain DE CAESTECKER, Barbara STEELE, Reda KATEB. |