Snow Therapy |
« Pourtant que la montagne est belle » Ruben Östlund avait déjà été présent à Cannes avec Play, sélectionné à la Quinzaine 2011, mais qu'aucun distributeur français n'avait jugé bon de diffuser... Auréolé du Prix du Jury Un Certain Regard, Snow Therapy (Turist dans la VO et Force majeure pour son titre français initial), devrait rencontrer un plus large public. Le cinéaste suédois a planté sa caméra dans une station de ski des Alpes françaises (Les Arcs), et a imaginé un récit mettant en scène les cinq jours de vacances d'hiver d'une famille suédoise. Tomas (Johannes Kuhnke) et Ebba (Lisa Loven Kongsli) sont issus de la classe moyenne supérieure de Stockholm. Ils sont beaux, sains, propres sur eux, de même que leurs deux enfants, sages comme des images. L'hôtel loué pour ces sports d'hiver est un trois étoiles cossu, et la première journée s'avère rayonnante : soleil radieux, pistes magnifiques, repos bien mérité autour d'un dîner convivial au cours duquel ils retrouvent une amie libérée qui vient de se taper le sosie de Brady Corbet (Sils Maria)... Jusque-là, tout va bien ! Mais lorsque le second jour une avalanche manque d'entraîner le pire, avec heureusement plus de peur que de mal, alors que la famille déjeunait paisiblement dans un restaurant d'altitude, la petite mécanique de ce couple sans histoires commence à s'enrayer. Car Monsieur avait pris la fuite ne pensant qu'à sauver sa peau, abandonnant épouse et enfant au moment fort de la panique générale... Le film est un véritable régal, Östlund réussissant sur plusieurs terrains. Le mélange des genres est bien dosé, Snow Therapy passant avec aisance de la chronique à la Tati au drame psychologique à la Polanski, avec des détours subtils vers la comédie pince-sans-rire voire l'onirisme. |
Les personnages finissent par déraper, mais la rigueur de la mise en scène, d'une sobriété sans failles, ne cède jamais aux sirènes de l'esbroufe et de l'excès. Les références de l'œuvre sont certes manifestes : outre les artistes déjà cités, on songe à l'univers sec et intransigeant de Haneke ou au ton décalé de Kaurismäki, plus qu'aux délires troublants d'un Alex van Warmerdam dans Borgman ou d'un Ulrich Seidl dans Paradis : amour. Et lorsque le couple déballe son malaise devant des témoins, on ne peut que convoquer les séquences de Scènes de la vie conjugale de Bergman, indiscutablement un modèle pour Ruben Östlund. On classera cependant l'auteur dans la famille des artisans inspirés du film psychologique d'atmosphère, qui regroupe des auteurs aussi divers que le François Ozon de Jeune & jolie ou le Dominik Moll de Lemming. Ces précisions sur les parallèles avec d'autres réalisateurs ne doivent pas occulter l'originalité de Ruben Östlund, dont la griffe est indiscutable, et qui se surpasse dans les plans se déroulant sur les pistes de ski. Rarement la neige a été aussi bien filmée, si ce n'est à travers les images de Shining ou Fargo. Ruben Östlund s'avère en outre un directeur d'acteurs de talent et au sein d'une distribution impeccable on notera le jeu du Norvégien Kristofer Hivju (Game of Thrones), excellent dans le rôle de l'ami de longue date. Pas de doute : un auteur est né, sur lequel il faudra compter ! Gérard Crespo
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2h - Suède - Scénario : Ruben ÖSTLUND - Interprétation : Johannes BAH KUHNKE, Lisa LOVEN KONGSLI, Kristofer HIVJU, Fanni METELIUS, Brady CORBET. |