Tu dors Nicole
de Stéphane Lafleur
Quinzaine des Réalisateurs


Sortie en salle : 18 mars 2015





Un été sans histoire(s)

Le nouveau cinéma québécois ne se limite pas à Xavier Dolan... Moins médiatisé que le jeune surdoué de J'ai tué ma mère, Stéphane Lafleur avait été remarqué par des courts et longs métrages dont En terrains connus (2011), tout en assurant le montage de films importants comme Le Démantèlement. Le scénario de Tu dors Nicole tient en quelques feuillets. En l'absence de ses parents, Nicole (Julianne Côté), vingt-deux ans, affronte la période estivale, et profite de la maison familiale en compagnie de Véronique (Catherine St-Laurent), sa meilleure amie, aguicheuse et en verve. Entre une brève coucherie avec un garçon qu'elle ne souhaite pas revoir, un job d'été dans une boutique de fringues, et un farniente autour d'une piscine, elle tue le temps comme elle peut, tout en subissant les avances insistantes de Martin, un enfant précoce à la voix d'adulte. Lorsque Rémi (Marc-André Grondin), son frère, débarque dans la villa avec les membres de son groupe musical, Nicole devient troublée, tout en luttant contre des insomnies... Loin de l'hystérie du jeune protagoniste de Mommy, Nicole est caractérisée par une absence d'énergie, qu'amplifie le jeu atonal et introverti de son interprète, lointaine cousine québécoise d'une Isabelle Huppert.

Ce minimalisme s'accorde avec le récit, qui refuse toute tension dramatique, et le style dépouillé de Stéphane Lafleur, qui filme ses personnages avec détachement, privilégiant les non-dits et des cadrages sobres, magnifiés par un beau noir et blanc. On sent l'admiration pour la Nouvelle Vague française et ses épigones, l'œuvre trouvant dans ses meilleures séquences l'inspiration des cinémas de Jacques Rozier ou Jean Eustache, tout en évitant la référence servile et les tics d'un Noah Baumbach (Frances Ha, 2012).

On peut être séduit par ce cinéma en liberté, tout de grâce et d'ellipses, et d'humour pince-sans-rire. D'aucuns trouveront ces rêveries estivales un brin longuettes, et préféreront, sur le même thème du récit d'initiation (post)-adolescent, l'inspiration plus touchante de Roger Leenhardt dans Les Dernières vacances (1948) ou Claude Miller dans L'Effrontée (1985). Mais Stéphane Lafleur a un univers personnel indéniable, et dirige admirablement son équipe de jeunes acteurs.

Gérard Crespo

 

 


1h33 - Canada, France - Scénario : Stéphane LAFLEUR - Interprétation : Julianne CÔTÉ, Marc-André GRONDIN, Catherine ST-LAURENT, Fanny MALLETTE, Simon LAROUCHE, Francis LA HAYE.

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