A Touch of sin
Tian Zhi Ding
de Jia Zhangke
Sélection officielle
En compétition

Prix du scénario


Sortie en salle : 11 décembre 2013




« Une touche de péché toute pêchue… »

Jia Zhang-Ke est un habitué de Cannes et de Venise. Presque toutes ses œuvres ont été présentées dans l’un ou l’autre de ces festivals. Still Life, une de ses rares fictions, remporta le Lion d’Or en 2006, alors que 24 City concourrait en 2008 pour la Palme d’Or et son dernier documentaire I whish I knew figurait dans la section Un Certain Regard il y a trois ans.
Avec A touch of sin, le réalisateur chinois prouve une fois de plus que la réalité a besoin de la fiction pour être plus lisible. Partant de quatre faits-divers particulièrement dramatiques mais de plus en plus courants en Chine, Jia Zhang-Ke va tisser un patchwork révélant un pays déshumanisé aux injustices sociales grandissantes, ne trouvant que la violence – sur autrui comme sur soi-même – pour récupérer un semblant de dignité.
Dans la province de Shanxi, au nord-est de la Chine, Dahai est un mineur quarantenaire ne supportant plus les mensonges et la corruption des dirigeants de la localité. Comme toutes réponses à ses revendications légitimes et courageuses, il se prend des coups de pelle en pleine figure. Tel un cowboy vengeur, il va faire de beaux cartons sanglants, avec la détermination d’un tigre, comme celui imprimé sur le drapeau censé camoufler son fusil à gros calibre. C’est à Chongquing, ville du sud-ouest du pays, que San’er, un travailleur migrant, va jouer de son arme à feu comme outil de travail de son CDD (contrat de Dézingage Déterminé) de tueur à gage. Le troisième protagoniste est une jeune femme, Xiao Yu, hôtesse d’accueil dans un sauna de la province de Hubei, en Chine centrale.

Elle ne résistera pas devant le harcèlement d’un riche client mafieux la giflant avec une liasse de billets en la traitant de pute… Dans une scène qui révèle le talent du réalisateur à créer une tension incroyable, Xiao Yu, après les assauts répétés… et répétés encore, va libérer le spectateur en explosant dans un invincible et improbable combat de kung-fu ! La quatrième partie, plus mélancolique mais non moins terrible, voit Xiao Hui à peine sorti d’une fragile adolescence, enchaîner les boulots plus dégradants les uns que les autres, dans la « zone économique spéciale » qu’est Donguan, ville de la province de Guangdong, dans le sud-est de la Chine…

La qualité picturale des plans de A touch of sin rajoute à la sidération qu’opèrent les images violentes sur le spectateur, appuyée par un usage, parfois un peu abusif peut-être, de longues focales qui permettent au réalisateur de jouer avec la faible profondeur de champ. Se payant le luxe d’hommages élégants et efficaces au cinéma de genre, du western au thriller en passant par le wuxia ou la comédie, l’auteur de Platform propose un reflet multi facettes de la Chine contemporaine qui n’a malheureusement pas l’exclusivité d’un développement économique sauvage et gangrené. Il est étonnant de penser que Jia Zhang-Ke semble délaissé par la censure chinoise tant le culot politique le dispute à l’audace formelle.
Quel dommage que le scénario, primé à Cannes par le jury de Steven Spielberg, n’ait pas soigné davantage les « jointures » de ce récit quadripartite qui frustrent le spectateur en quittant chaque personnage au moment où il commence à exister réellement à l’écran.

Jean Gouny


 

 


2h15 - Chine - Scénario : JIA Zhangke - Interprétation : JIANG Wu, Meng LI, Lanshan LUO.

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