Heli
de Amat Escalante
Sélection officielle
En compétition

Prix de la mise en scène


Sortie en salle : 9 avril 2014




« Heli miné… »

On ne pouvait pas attendre d’Amat Escalante un style qui aurait franchement tranché avec celui de Los Bastardos, présenté en 2008 à Un Certain Regard… Si le thème s’écarte de l’exil et du travail clandestin pour parler d’un Mexique en proie à une violence qui peut s’abattre sur une famille sans histoire, la mise en scène reste radicale, peu servie par le dialogue mais soutenue par des cadrages assez inouïs, montrant tout ce que d’autres auraient préféré suggérer, pour le meilleur comme pour le pire.

La scène d’introduction annonce à la fois les conséquences d’un acte aussi anodin qu’imbécile qui vont s’abattre sur les protagonistes, mais surtout le parti pris d’une caméra tout à la fois très proche et donnant ainsi une vision parcellaire de l’action (deux corps mutilés dans une camionnette dans le premier plan) et se mettant à distance pour paradoxalement mieux saisir l’horreur de la situation (un corps lâché en suspension sous un pont).

Alors que le jeune Heli se relaie avec son père à l’usine pour ramasser quelques sous afin de nourrir tant bien que mal la petite famille rassemblée dans une baraque de fortune, sa sœur cadette d’à peine 14 ans s’est entichée d’un gaillard aux ambitions peu raisonnables, enrôlé dans une espèce de milice corrompue luttant contre le trafic de drogue… ou pas. Subtiliser deux kilos de cocaïne qui devaient passer aux mains d’une bande pas très affable n’est donc sans doute pas le meilleur moyen d’assurer un avenir serein !

Amat Escalante revendique l’idée que la violence réelle est bien vilaine et qu’il est donc nécessaire de l’exposer sans concession. Certes. D’autres prennent également ce parti, avec des déclinaisons aussi différentes que chez Takeshi Kitano, Michael Haneke, Park chan Wook ou plus récemment dans cette sélection de Cannes 2013, Jia Zhang Ke et Nicolas Winding Refn.

Là où le réalisateur de Sangre (également sélectionné et primé à Un Certain Regard en 2005) se prend les pieds dans le cadre, c’est quand sa monstration finit par ressembler à une démonstration, désamorçant toute la force qu’une scène peut contenir : lors d’une séance de torture pour le moins insoutenable dans laquelle la « bite au cirage » voit sa variante flambée à la tequila… quelques ados qui s’aguerrissent auprès des « grands frères » crapules, hésitent entre ce spectacle « live » et leur jeu vidéo qui offre, lui aussi, une représentation de la violence. Une manière de dire que nous aussi, à travers ce film, nous ne voyons qu’une image de cette violence indicible.

La récompense du prix de la mise en scène par le Jury de Steven Spielberg, loin d’être usurpée, aurait été plus magistrale si le réalisateur avait davantage suivi la voie (la non-voix) du personnage de la jeune sœur d’Heli, revenant du cauchemar, taisant l’horreur de manière plus puissante que toute exposition, accordant au hors-champ toute sa force cinématographique.

Jean Gouny


 

 


1h45 - Mexique - Scénario : Amat ESCALANTE, Gabriel REYES - Interprétation : Armando ESTRADA, Linda GONZALEZ HERNANDEZ, Reina Julietta TORRES.

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