Michael
de Markus Schleinzer
Sélection officielle
En compétition



Sortie en salle : 09 novembre 2011




« M. les maux dits »

Le synopsis de Michael peut tenir sur un ticket de métro… « Les cinq derniers mois de la vie commune forcée entre Wolfgang ; 10 ans, et Michael, 35 ans ». Quand on sait que le réalisateur Markus Schleinzer, dont c’est le premier film, a été pendant quinze ans le directeur de casting de Michael Haneke, on pouvait s’attendre à une œuvre plus rêche que guillerette. Si le film ne rentre pas dans la catégorie des films que l’on peut qualifier d’ « aimables », Michael est admirable sur bien des aspects.

Le scénario tout d’abord qui – raconte son auteur – ne s’est inspiré d’aucun fait divers relaté par les médias, ce qui paradoxalement contribue à cette impression continue de vérité. Une fois encore, la fiction permet de donner plus de lisibilité à la réalité.
Le point de vue, que l’on pourrait taxer d’inexistant, est pourtant primordial : le piège ici aurait été de montrer Michael comme un monstre, avec le risque de le mettre d’emblée au ban de la société et du coup de le mettre à distance du spectateur. Mais c’est justement cette bonne distance que prend Markus Schleinzer avec le sujet pour nous amener à s’y confronter. La narration est axée sur le personnage de Michael, mais jamais le réalisateur ne flirte avec ce qui pourrait être un jugement moral, ni avec l’empathie ou pire la sympathie. Il expose et déroule la terrible existence du personnage ancrée dans un quotidien banal.

La mise en scène, sobre (ellipses sur les rapports sexuels) et parfois rugueuse (pas de musique, beaucoup de plans fixes), sait aussi être élégante (les rares travellings dont celui de la chasse infructueuse au karting) et astucieuse (la virée au ski de Michael, entre la respiration et la suffocation pour le spectateur). Le plus réussi est cette horrible impression de renoncement de la part de l’enfant, manifestement séquestré depuis suffisamment longtemps pour se résigner et s’efforcer de construire un quotidien « acceptable ».

On pourra reprocher que pour son premier film, Markus Schleinzer soit resté un peu à la marge d’un questionnement plus explicite mais plus dangereux. D’autres, de Fritz Lang (M le Maudit) à Almodovar (La Mauvaise Éducation), en passant par Nicole Kassell (The Woodsman), ont adopté un autre point de vue… Mais Michael garde son honnêteté à la fois morale et cinématographique jusqu’à la dernière séquence, à la fois attendue dans le fond et surprenante dans la forme, filmée en évitant tout ce qui pourrait ressembler à un procédé.

Jean Gouny


1H34 - Autriche - Scénario : Markus SCHLEINZER - Interprétation : Michael FUITH, David RAUCHENBERGER, Gisela SACHER.

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