Melancholia
de Lars von Trier
Sélection officielle
En compétition
Prix d'interprétation féminine : Kirsten Dunst



Sortie en salle : 10 août 2011




« Profitez-en tant que ça dure ! »

Aux accents wagnériens de Tristan et Isolde, la dantesque et romantique scène d’ouverture de Melancholia enchaîne les extraits clés du film, comme pour mieux susciter l’appétit de le déguster dans son entier. Un regard fixe, des oiseaux qui décrochent du ciel, une femme tenant un enfant dans les bras et dont chaque pas s’enfonce dans le sol, un parc entourant un château austère, une mariée tentant de courir entravée par des liens tentaculaires, un cheval qui s’enlise, une planète qui percute la Terre…

Lars von Trier réussit le grandiose là où Terrence Malick y échoue avec The Tree of life, et oriente notre préférence vers la fin du monde plutôt que vers sa création… avant que d’entrer dans le vif du film, le temps pour le créateur de renverser le sablier d’un temps qui nous est compté.

Il le fait en un diptyque, opposant tout en tendresse et en complicité deux sœurs, Justine et Claire, la blonde aux formes généreuses et la brune anguleuse, la névrosée et la rationnelle, la mélancolique et l’énergique, l’indolente et la déterminée, mettant en conflit, à travers deux chemins de croix, fatalisme consentant et déterminisme, ce dernier devant au final céder devant la mauvaise blague que lui a fabriquée l’univers. Un épilogue grandiose, apocalyptique par définition, qui le dispute au prologue pour la stylisation de l’infiniment petit que sont les êtres face à l’infiniment grand du cosmos.

Entre temps, le réalisateur s’applique avec grand art à faire craquer le vernis d’un édifice de beauté, à peine celui-ci construit.

Sur Terre, Justine célèbre son mariage, ou plutôt le célèbrera dès que l’interminable limousine louée pour la circonstance réussira à atteindre la demeure de sa sœur Claire, où se tiennent les dispendieuses festivités : première situation dont le burlesque met en place la mascarade qui va suivre une fois sur les lieux, où la mère allergique au mariage (Charlotte Rampling, jouissive) fera tout pour gâcher la Festen, soigneusement minutée par Claire. « Ils sont tous piqués dans la famille… » et Justine n’est pas la dernière, qui s’enfonce dans ses névroses. Son époux Michael pourra faire une croix sur toute lune de miel et Justine restera auprès de sa sœur et de John, son beau-frère qui pointe vers le ciel cette curieuse étoile rouge, proche d’Antarès, à la pointe de la constellation du Scorpion, dans laquelle Claire décèle une menace grandissante, étayée par des phénomènes cosmiques exceptionnels, mais passagers, le temps d’un transit, aux dires de son mari. « J’ai peur de cette stupide planète » se désole Claire, à qui Justine répond en écho : « La Terre est le diable. Elle ne manque à personne. » En finir ou continuer…

Kirsten Dunst est Justine, Charlotte Gainsbourg est Claire et Lars von Trier a dû se contenter de son statut de pourvoyeur de prix d’interprétation féminine à ses formidables actrices. Ainsi en avaient décidé l’indignité des propos tenus en conférence de presse de Melancholia, grande œuvre qu’il a délibérément vouée à un stupide gâchis.

Marie-Jo Astic


2h10 - Danemark, France, Suède, Allemagne - Scénario : Lars von TRIER - Interprétation : Kirsrten DUNST, Charlotte GAINSBOURG, Kiefer SUTHERLAND, Charlotte RAMPLING, John HURT, Stellan SKASGARD, Udo KIER.

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