Hanezu, l'esprit des montagnes |
Ceux qui se souviennent de leurs vies antérieures... Naomi Kawase donne le meilleur d'elle-même avec ce délicat poème, ode à la Nature d'une fragilité poignante, à la beauté plastique indéniable, et accueilli plutôt tièdement à Cannes. Triste revers des effets de mode qui voient des cinéastes encensés à chacune de leur production puis snobés à l'apogée de leur art... Après Shara et La Forêt de Mogari, Kawase poursuit sa démarche contemplative dans un récit ayant pour trame la construction et la déconstruction d'un couple sur fond de souvenirs douloureux, d'un passé omniprésent et de légendes obsessionnelles : les montagnes de la région d'Asuka, à Nara, berceau du Japon, seraient habitées par des dieux, le poète Manyochu en ayant tiré une métaphore des troubles qui l'agitaient. Hanezu est davantage sensoriel que narratif et la réalisatrice privilégie ces instants où la parole est absente et où les faits anodins prennent une résonance singulière : |
des personnages qui prennent le temps de regarder autour d'eux, de boire le thé, d'observer des insectes ou de tartiner de la confiture d'abricot : on tend ici vers une épure qui n'est pas sans évoquer le désormais classique Oncle Boonmee..., étalon du genre, ou le cinéma de Vimukti Jayasundara dont Chatrak fut présenté à la Quinzaine. Mais Naomi Kawase a peut-être le regard encore plus scrutateur et son passé de photographe n'est sans doute pas étranger à son aptitude à capter ces instants fugitifs dans la vie d'une famille ou son art de valoriser ces splendides vallées. La photographie tend aussi la main à la peinture dans ces plans invitant à distinguer l'essentiel du détail, l'harmonique du diffus. Mais Hanezu demeure avant un bel objet de cinéma, aux interprétations multiples, et au message ambitieux : « Je veux que les générations futures puissent hériter de cette culture et de ces traditions », écrit la cinéaste : son œuvre n'est pas le moindre atout de ce vaste projet. Gérard Crespo |
1h31 - Japon - Scénario : - Naomi KAWASE - Interprétation : Tohta KOMIZU, Hako OSHIMA, Tetsuya AKIKAWA. |