Mardi, après Noël
Tuesday, After Christmas
Marti, Dupa Cracuin
de Radu Muntean
Sélection officielle
Un certain regard



Sortie en salle : 08 décembre 2010




« Ralucaca »

Représentant du nouveau cinéma roumain et du réalisme noir amplement révélé à Cannes et même palmé avec 4 mois, 3 semaines, 2 jours, qui a délibérément pris le large par rapport au trauma post-Ceaucescu, le style de Radu Muntean s’inscrit dans la radicalité d’une Roumanie résolument moderne.

Sur un argument, qui dans un premier temps peut sembler d’une simplicité déconcertante, la caméra du réalisateur agit comme un scalpel. Son champ opératoire cible Paul, Adriana sa femme, Mara sa fille de 8 ans et Raluca sa maîtresse depuis six mois. Entre épouse et amante, la banalité de la situation de Paul se fissure à l’approche de Noël, alors qu’il faut organiser un double emploi du temps ménageant de part et d’autre un espace nécessaire aux courses pour les cadeaux, aux repas en famille ou pas. La conjoncture le met dans l’urgence d’une décision, lorsqu’un rendez-vous chez la dentiste, Ralucca, met inopinément en présence les deux femmes de sa vie, deux parallèles qui n’étaient pas censées se croiser. Juste après Noël, Paul avoue à Adriana qu’il aime une autre femme, rencontrée il y a six mois.

« Avec les femmes, on a de la passion, de la patience et puis des remords… je crois. Faut être honnête. » * Cette analyse glaciale qu’en son temps faisait Brel de la cruauté de la vie, Radu Muntean la transpose dans Mardi, après Noël, ce temps qu’il faut à Paul pour annoncer à sa femme qu’il la quitte pour une autre.


Diagnostic, chirurgie, séquelles, le rite du passage d’une vie à l’autre s’accomplit en un temps record, le laser explore cet instant charnière de la décomposition d’un couple. Qu’on l’espère ou qu’on la redoute, l’issue n’a que bien peu d’importance dans le propos de l’auteur. À la banalité désincarnée des conversations, au quotidien ordinaire de l’avant mardi, il oppose la fulgurance et la violence des émotions quand enfin elles éclatent. Phrases regrettées sitôt prononcées, mots qu’on s’était juré de ne jamais dire, état suspendu entre sensation de fin du monde et lucidité face à une situation dérisoire, voire ridicule, la narration, l’écriture rigoureuse s’avèrent redoutables d’efficacité, les dialogues remarquables d’équilibre, les personnages imposants de force et de fragilité. Longs plans séquences, ample cadre débarrassé de tout superflu, environnement épuré de toute fioriture, la caméra est d’une discrétion exemplaire, le jeu des acteurs d’une très sensible intelligence.

Marie-Jo Astic

* juin 1971, interview d’Henry Lemaire Brel parle (initialement Quitte à me tromper)


1h39 - Roumanie - Scénario : Alexandre BACIU, Radu MUNTEAN, Razvan RADULESCU - Interprétation : Dragos BUCUR, Maria POPISTASU, Victor REBENJIUC.

ACCUEIL

RETOUR A LA LISTE DES FILMS