Aurora |
« Il n’y a pas de criminels, il y a seulement des hommes qui tuent. » Viorel commence sa journée, habité par une inquiétude inexplicable. Sans chercher à y trouver un sens, il se laisse porter par les événements, et au gré du hasard traverse Bucarest d’un bout à l’autre, décidé à mettre fin à l’instabilité qui gouverne son existence depuis un moment déjà et qui a commencé à revêtir des accents douloureux suite à son divorce et à son procès en partage des biens. Viorel, 42 ans, a deux petites filles et vient de démissionner de sa fonction d'ingénieur métallurgiste. Aurora fait partie d’un cycle de Six histoires de la banlieue de Bucarest. L’œuvre confirme le talent singulier de Cristi Puiu, après la révélation de La Mort de Dante Lazarescu, même si le récit et la forme sont plus déroutants. Cette histoire de la chute d’un homme ordinaire est filmée en longs plans fixes, sans dialogues explicatifs, reprenant une sobriété narrative déployée naguère par Bresson ou plus récemment par Bakur Bakuradze (Shultes). Aurora se propose de reconstituer des actes criminels en tant que tels, en évitant toute forme de propos transformant le crime en acte exceptionnel. |
Cette volonté de distanciation et d’épure, se refusant au spectaculaire, est combinée à une atmosphère réaliste qui voit l’auteur « restituer aussi exactement que possible le climat d’une Bucarest post-communiste. » C’est que Cristi Puiu est davantage intéressé par l’irruption de la violence dans un univers banal et quotidien : nous sommes tous des criminels potentiels, et Aurora filme les informations auxquelles mène l’observation de gens ordinaires. Interprétant lui-même le rôle de Viorel, et utilisant dans son casting acteurs chevronnés et non professionnels, Cristi Puiu donne aussi un caractère documentaire à son récit, préférant l’improvisation au storyboard structuré. C’est cette dimension qui faisait aussi la saveur de La Mort de Dante Lazarescu. Mais là où le scénario sombre du sexagénaire mourant était tempéré par un humour noir et une verve à la Urgences, le style de Aurora s’avère oppressant (sauf dans le dernier quart d’heure) et pourra en décourager certains ; mais ces trois heures de montée dramatique constituent un choc esthétique… Gérard Crespo
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2h59 - Roumanie - Scénario : Cristi PUIU - Interprétation : Cristi PUIU, Valentin POPESCU, Clara VODA. |