Hilditch : ange gardien ?

Felicia, dix-sept ans, est d'une improbable candeur : enceinte d'une relation furtive avec Johnny, parti sans laisser d'adresse, elle, la campagnarde irlandaise, entreprend seule un voyage à Birmingham où il prétendait vivre. Ce faisant, prête à tout sacrifier à l'amour qui est sensé l'attendre, elle rompt avec sa famille. Débarquée en pleine zone industrielle, Felicia cherche son Johnny dans une usine de tondeuses, sans résultat. Sa solitude la met sur le chemin du débonnaire Hilditch, sexagénaire esseulé qui lui propose de l'aider dans sa quête. La jeune fille, timide, commence par refuser, puis, réalisant qu'elle ne trouvera pas son amant toute seule dans cette ville inconnue, elle accorde peu à peu sa confiance à son nouveau compagnon.

Une comique incursion dans le passé de Hilditch - jusque dans la cuisine de sa mère, l'éblouissante Arsinée Khanjian ! - apporte bientôt un nouvel éclairage, presque anecdotique, sur l'homme, qui modifie la relation qu'on entretient avec lui : complicité et répulsion nous animent alors alternativement. Dans ce dernier film, adapté d'un roman de William Trevor, Atom Egoyan, comme dans De beaux lendemains, a réglé sa mise en scène avec une précision d'horloger ; le joyau en est l'interprétation de Bob Hoskins (Hilditch) qui dit de son rôle : "Ce type est un mélange de Jack l'éventreur et de Winnie l'Ourson".

En effet, si les recherches de Felicia n'aboutissent pas, on découvre progressivement que son protecteur n'est pas seulement l'ourson soyeux qu'il affiche avec elle... Comme dans La belle et la bête, un besoin réciproque lie les deux personnages, à la manière d'un pacte tacitement conclu. Brrr...

Nicolas Fine