Le Kid en Kitano

Déjà présent à Cannes en 93 avec Sonatine, puis en 96 avec Kids Return, Kitano revient cette année, mais cette fois en sélection officielle. Pour son huitième long métrage, le réalisateur japonais nous offre un film différent, moins violent et désespéré que Hana-Bi. Au contraire, mêlant avec talent le tragique, le burlesque et le mélo, il réussit une sorte de road-movie destiné à un large public. C'est l'été à Tokyo. Les vacances sont arrivées et Masao s'ennuie. Ses copains ont quitté la ville, le laissant livré à lui-même toute la journée, pendant que sa grand-mère travaille. On le confie alors à Kikujiro, voyou rêveur d'une cinquantaine d'années, qui partage le même désœuvrement.

Ce dernier décide d'emmener l'enfant à la recherche de sa mère, qu'il n'a jamais vue que sur une photo. Sans attache et sans argent, ils entament un voyage poétique et picaresque, ponctué de rencontres touchantes ou farfelues. Parsemée de rêves parfois effrayants, la route de Masao croise celle de deux bikers pleins d'humanité, d'un intello vagabond, d'un couple d'amoureux au grand coeur. La tendresse et l'attachement de Kikujiro envers le petit garçon s'exprime paradoxalement, par des épithètes peu flatteuses et des "p'tit con" affectueux.

Ce double voyage initiatique, qui n'est pas sans rappeler Chaplin et Le kid, entraînera Masao à la recherche de ses origines et Kikujiro à celle d'une innocence que sa vie de Yakuza lui a fait perdre depuis longtemps. Kitano réalise un film drôle, mêlé d'émotion discrète et authentique, et servi par une mise en scène qui joue malicieusement avec le langage cinématographique classique. Un drôle d'été que celui de Kikujiro, à mi-chemin entre le rire et les larmes, décalé et fantaisiste.

Virginie Rocchia