La Nourrice

de Marco Bellochio
Sélection Officielle

Anneta, à l'école de la liberté

 

Rome, début du XXe siècle. Lorsque l'enfant paraît dans la famille Mori, sa mère, Vittoria, n'applaudit pas vraiment à grands cris. Le nourrisson ressent-il ce rejet ? Toujours est-il qu'il refuse le lait maternel. Le professeur Mori se rend dans un village en quête d'une nourrice, et, parmi les paysannes candidates et prêtes à abandonner leur propre enfant moyennant rétribution, choisit Annetta... bien plus pour son regard déterminé que pour ses attributs d'"allaiteuse". La scène est brève, mais largement significative du fossé qui se creuse entre l'aisance bourgeoise et la misère populaire. Inspiré d'un conte de Pirandello, le film développe également l'apprentissage du langage écrit et parlé, que Mori finira par dispenser à Annetta : l'un vit cette expérience comme une participation involontaire à un courant inéluctable, la seconde comme l'éveil d'une liberté jusqu'alors inaccessible.

Autre remise en question : le psychiatre Mori commence à entrevoir son métier comme autre chose qu'un simple assistanat à des malades frappés d'une tare longtemps considérée congénitale et incurable, et envisage d'autres causes, comme l'absence d'amour et d'affection sur laquelle on peut agir. Pourtant, au fur et à mesure que les frustrations de Vittoria se multiplient et que l'épanouissement de la lumineuse Annetta s'accomplit, c'est la peur de l'étrangère qui envahit tout le film : l'étrangère issue d'une classe jugée inférieure, celle qui usurpe le rôle maternel, celle que l'aptitude au bonheur rend si différente, celle qui vous vole tout. Alors qu'il revendiquait la révolte comme l'un des thèmes prédominants, on peut reprocher à Marco Bellochio d'avoir appliqué l'atmosphère intimiste et feutrée, qui sied si bien aux destins individuels, aux scènes de grands revirements de l'histoire :

émeutes et révoltes deviennent images d'épinal, le contraste fait défaut, alors que le non-dit n'est ici plus de mise. Les interprétations de Fabrizio Bentivoglio, Valeria Bruni Tedeschi et surtout Maya Sansa sont en parfaite harmonie avec leurs rôles aux sensibilités multiples et nuancées.

Marie-Jo Astic

1h46 - The Nanny - Titre original : La Balia - scénario & dialogues : Marco Bellochio, Daniela Ceselli - images : Giuseppe Lanci - décor : Marco Dentici - musique : Carlo Crivelli - montage : Francesca Calvelli - interprètes : Fabrizio Bentivoglio, Valeria Bruni Tedeschi, Maya Sansa.

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