Chiara, entre l'esprit et la lettre

Le Prix du Jury récompenserait-il un film ou un auteur... et si c'est l'auteur, était-ce vraiment au jury de consacrer un Manoel de Oliveira qui a prouvé, par tant d'oeuvres, la qualité de sa démarche... ? Belle question à laquelle David Cronenberg répondra peut-être un jour. Malgré l'intérêt évident d'un procédé qui plaque sur le monde d'aujourd'hui la trame de La Princesse de Clèves, le film reste étrangement entre deux mondes, celui d'hier et d'aujourd'hui, entre le théâtre et la vie, entre la passion et l'obstruction.

Délicieux décalage entre ces noms fleurant l'histoire et le rock d'un Pedro Abrunhosa. Subtiles variations entre un dialogue très littéraire et des personnages contemporains, entre un esthétisme de l'image quelque peu précieux et l'environnement brut de Paris. Irruption d'un couvent suranné dans l'univers rock (lunettes noires et tenue de cuir), jeu tout en décalage (non-jeu devrait-on plutôt dire !) de Chiara Mastroianni qui bride ses émotions comme Madame de Clèves refuse la vie...

tout cela donne une vision étrange et incantatoire d'une passion amoureuse. Reste que l'effet de surprise passé on se surprend à s'essouffler et que cette lettre a tendance à être distribuée en "poste restante". Que restera-t-il de ces bons sentiments et de cette vision onirique de la réalité ? ... Quelques procédés, des images-chocs, un vieux monsieur élégant derrière sa caméra et qui échappe au temps... une heure et demie hors de notre siècle !!!

Jean-Paul Icardi