8 femmes 1/2
de Peter Greenaway
Sélection Officielle

Toutes pour mon père

 

D'ordinaire, c'est aux pères de s'occuper de l'éducation sexuelle des fils. Mais Peter Greenaway n'a pas l'habitude de l'ordinaire... Après la mort soudaine de sa mère, Storey Emmenthal va s'appliquer à décongeler la libido de son père, riche homme d'affaires genevois. Entre la Suisse et le Japon, entre la luxueuse propriété familiale et les salles de Pachinko, entre les secousses orgasmiques des corps et celles de la terre, fils et père se lancent dans une odyssée charnelle fellinienne. Huit femmes et demie, pour un inventaire des obsessions, fantasmes et fantaisies masculines. Kito, la secrétaire active et efficace dans le monde des hommes ; Simato, la voleuse, la joueuse, la femme vénale ; Mio, l'orientale soumise, l'exotique attirance ; la nonne Grisela, parangon de la virginité, à la nudité inaccessible ;

Beryl la bestiale, qui aime autrui mais s'offre aux truies ; Clothilde la domestique -pas d'éducation sexuelle sans le fantasme de la servante ! Giaconda, la mère nourricière, l'appétissante femme féconde ; et puis Palmira, représentant l'ultime chimère de la putain experte et généreuse, au corps accueillant mais au coeur impénétrable... La dernière demie est plus difficile à définir : le travesti, l'enfant, la femme tronc ? Mieux valait effectivement laisser le doute ! Dans le cinéma de Greenaway, la frontière entre le complexe et le compliqué, la richesse et le chaos, le subtil et le fumeux, est souvent ténue. Dans 8 1/2 Women, les références picturales feront sans doute le bonheur des amateurs éclairés, mais obscurcissent la narration, pourtant assez linéaire et peu morcelée. L'ironie et l'humour ne semblent pas s'affranchir d'un discours sérieux et frôlent parfois la lourdeur.

Le choix d'abandonner les cadres élargis au profit de gros plans, tout en évitant le champ-contrechamp, celui d'obtenir une profondeur de champ maximum au risque d'encombrer le cadre, n'apparaissent pas d'emblée pertinents. Malgré ces griefs, on peut pardonner un semi-succès ou demi-échec, à un auteur dont le cinéma est en perpétuelle recherche d'un nouveau langage, en rupture avec les règles syntaxiques classiques, aiguisant peu à peu notre regard, enrichissant notre perception et nourrissant l'art de l'image contre l'empire du visuel.

Jean Gouny

2h - Titre original : 8 1/2 Women - scénario & dialogues : Peter Greenaway - images : Sacha Vierny, Reiner Van Brummelen - décor : Wilbert Van Dorp, Emi Wada - montage : Emmer Leupen - interprètes : John Standing, Matthew Delamere, Vivian Wu, Amanda Plummer, Polly Walker, Toni Colette. Sortie : août 99.

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