La Pomme
The Apple (Sib) - de Samira Makhmalbaf
avecMassouneh Naderi, Zahra
Naderi, Ghorban Ali Naderi...
Sélection officielle
Un Certain regard

 

Cette tanière familiale d'un quartier pauvre de Téhéran est une bouche sombre, bâillonnée par une grille aux barreaux solides donnant sur une cour profonde.
Les hauts murs qui l'entourent sont eux-mêmes dominés par les façades des maisons voisines aux fenêtres à la fois obstruées et observatrices... La rue, au-delà, longue et morne, n'est jamais accessible aux deux enfants de cette famille, recluses depuis onze ans. Une mère non-voyante, encore masquée par un foulard hermétique, et un père affublé de lunettes de myope qui semblent pourtant le couper du monde, constituent les deux géniteurs, aveuglés par des principes moraux et des coutumes à perpétuer, qui tentent dans la tradition patriarcale, de faire survivre leur famille dignement. Ce “destin” de clan immuable est cependant remis en cause brutalement par la société :
une assistante sociale efficace débarque, alertée tardivement par les voisins, et impose ses propres règles, celles d'un monde neuf qui renaît en Iran. Jusque là les filles “protégées” étaient considérées par leurs parents comme des “fleurs” à préserver, risquant d'être “fanées par le soleil”, mais les deux enfants au langage inarticulé et aux mouvements désordonnés n'ont au contraire manifestement pas connu d'épanouissement à l'ombre de leurs “geôliers” ; pour que la vie s'impose enfin et que les frontières avec l'autre s'abolissent, permettent le contact et l'échange, et enfin autorisent la compréhension du monde et de la place qu'on doit y trouver. Samira Makhmalbaf, réalisatrice de ce premier long métrage, s'est attaquée ici à un fait divers qui l'a troublée ; elle avoue qu'"au départ", elle ne savait "pas très bien si ce serait un documentaire ou une fiction".

Le résultat est un message d'espoir : celui exprimé par cette jeune iranienne d'à peine dix-huit ans qui donne aux femmes les clefs de l'ouverture de son pays. Mais on sort de la salle avec une autre satisfaction : celle d'avoir trouvé là un cinéma sensible et tendre qui montre sans démontrer et dont les images justes et simples sont les effets très spéciaux. La pomme n'est pas ici un fruit défendu mais un film à défendre, une vraie tentation pour cinéphile...

Didier Perrin-Terrin


RETOUR