Wildlife - Une saison ardente |
Conte d’automne Paul Dano est l’un des meilleurs acteurs américains de sa génération, que l’on a surtout apprécié dans des seconds rôles comme ceux campés dans Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton & Valerie Faris ou There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson. Marqué par les problèmes de couple de ses parents, il a toujours eu envie de passer derrière la caméra pour filmer une histoire au carrefour du récit d’initiation et du drame conjugal. Aussi, quand il eut l’opportunité d’adapter un roman de Richard Ford traitant cette thématique, il n’hésita pas à se lancer dans le projet, coécrivant le scénario avec sa compagne, Zoe Kazan. Wildlife n’emprunte pas le sentier de la reconstitution rétro bien que l’action soit située dans les années 60 et que l’on retrouve, a priori, les attributs de ce genre de fiction (des coiffures aux costumes en passant par les modèles de voiture). Le métrage est avant tout une belle étude de caractère, maniant l’ellipse et privilégiant les non-dits, et adoptant le point de vue de Joe, un adolescent de quatorze ans. Ses parents ont dû changer de région et lui doit s’adapter. Ce brillant élève se meut avec aisance dans son nouvel environnement, encadré d’une cellule familiale rassurante et feutrée ayant tous les attributs de l’american way of life des sixties également dépeint par Damien Chazelle dans First Man, Le Premier homme sur la Lune. Mais sous le vernis des convenances, les préoccupations de Jeanette (Carey Mulligan) et Jerry (Jake Gyllenhaal) couvent une crise conjugale certaine. |
Cantonné dans des petits boulots, le père quitte un temps le domicile pour rejoindre une équipe de pompiers, tandis que l’épouse est tentée par une aventure extraconjugale avec un riche concessionnaire automobile. Wildlife évite l’hystérie ou la mièvrerie des nombreuses œuvres sur le divorce, ne se situant ni dans la veine de La Guerre des Rose de Danny DeVito, ni dans celle de Kramer contre Kramer de Robert Benton, pour citer deux œuvres surestimées en leur temps. Paul Dano opte pour l’épure et la mise à distance, bien aidé par les plans-séquences et cadrages de son chef opérateur Diego García (Cemetery of Splendour). « Je souhaitais faire un film qui soit sobre et honnête. Je désirais que la réalisation soit guidée par l’image et les plans. Je voulais ne bouger la caméra que lorsque c’était absolument nécessaire. Je tenais à rester fidèle au sujet et à moi-même », a-t-il précisé dans les notes d’intention. Son cinéma évoque celui d’autres illustres comédiens-réalisateurs, tels Robert Redford avec Des gens comme les autres ou Paul Newman pour L’Affrontement : un art sans fioriture, scrutant au scalpel des êtres écorchés, avec un souci de donner le meilleur d’interprètes sans céder pour autant aux sirènes des numéros d’acteurs. La prestation de Carey Mulligan est à ce titre magnifique : la comédienne qui avait déjà brillé dans des films des frères Coen ou de Steve McQueen trouve ici le meilleur rôle de sa carrière.
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1h44 - États-Unis - Scénario : Paul DANO, Zoe KAZAN, d'après le roman de Richard Ford - Interprétation : Carey MULLIGAN, Jake GYLLENHAAL, Ex OXENBOULD, Bill CAMP. |