À genoux les gars |
Les belles gosses Antoine Desrosières avait été révélé en 1993 avec À la belle étoile, charmant premier film au ton Nouvelle Vague, interprété par Mathieu Demy, Julie Gayet et Chiara Mastroianni. À genoux les gars est son quatrième long métrage. L’œuvre commence par un dialogue entre Yasmina et Rim, deux sœurs adolescentes parlant avec maladresse de garçons et de sexualité, dans un argot des banlieues sympathique bien qu’un brin abscons. C’est frais, léger, osé, mais l’on se dit d’emblée qu’Antoine Desrosières tend à surfer sur la vague des films de djeuns, des Beaux gosses à Divines en passant par Bande de filles et Kiss & Cry. Et notre pressentiment se confirme dans la suite du métrage, qui voit nos deux donzelles se faire draguer par deux jeunes hommes guère futés mais aux bouilles apparemment inoffensives. Apparemment, car ce qui aurait pu être un énième délicieux marivaudage en territoire périurbain se transforme en bluette glauque. Après avoir été manipulée, Yasmina se voit contrainte à une relation sexuelle qu’elle ne désirait pas, puis se retrouve au cœur d’un odieux chantage à la vidéo. On ne reprochera pas à Antoine Desrosières ce surprenant tournant narratif et sa volonté de traiter un sujet dans l’air du temps, en l’occurrence le viol et la condition de la femme dans les cités. Le problème est la démarche suivie par le réalisateur : « J’ai le sentiment que par la comédie, un public pouvant se reconnaître dans le reflet négatif montré par le film peut rire de lui-même. Sans relativiser la dureté des faits, le rire ouvre une brèche dans le cerveau, cela le rend plus perméable à ce qu’on veut raconter », a-t-il ainsi déclaré. |
Le problème est que traiter en mode fantaisiste avec moult quiproquos et dialogues comiques une thématique qui ne fait absolument pas rire n’est pas à la portée de tous : Chaplin (Le Dictateur) ou même Benigni (La Vie est belle), eux, y étaient parvenus : c’est qu’ils avaient su concilier humanisme et talent de metteur en scène et de scénariste, et sur une problématique historique et politique éloignée des faits évoqués dans le présent film. Or, Antoine Desrosières n’a pas la dimension de ces artistes et n’apporte aucun point de vue sur ses personnages et les déviances qui les concernent. Il se contente de faire du (plus ou moins) bon mot face à des situations scabreuses et filmer des gags lourdingues autour du chantage sexuel entre jeunes. Le malaise que l’on ressent face aux pitoyables mésaventures de ces ados n’est donc pas dû à un problème moral mais à une impossibilité du réalisateur d’assumer avec talent l’audace de son dispositif. On sauvera un passage rafraîchissant, qui voit l’idylle naissante entre Yasmina et un jeune dealer incarné avec beaucoup de verve par Elis Gardiole. Et là, on perçoit quel bon film, ambigu et troublant, aurait pu être À genoux les gars. Au lieu de cela, il faut subir plus d’1h30 de téléréalité à peine améliorée et d’extension ratée de ce qui aurait pu être un plaisant court-métrage. Gérard Crespo
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1h38 - France - Scénario : Antoine DESROSIÈRES, Anne-Sophie NANKI, Souad ARSANE, Inas CHANTI - Interprétation : Souad ARSANE, Inas CHANTI, Loubna ABIDAR, Sidi MEJAI, Mehdi DAHMANE, Elis GARDIOLE.. |