L'Ange
El Angel
de Luis Ortega
Sélection officielle
Un Certain Regard






« L’ange diabolique »

Buenos Aires, 1971. Carlitos est un jeune homme de dix-sept ans. À l’adolescence, il s’est découvert une vocation de voleur. Lorsqu’il rencontre Ramon et sa famille, ils s’embarquent dans une histoire de découvertes, d’amour et de délits. Tuer devient une conséquence, un maillon d’une chaîne irrépressible…
Présenté dans la compétition de la section Un Certain Regard, ce film de Luis Ortega est tiré d’une histoire vraie, celle de Carlos Eduardo Robledo Puch : le plus grand tueur en série argentin dans les années 70, et à ce jour le plus ancien prisonnier argentin encore en détention. La scène d’ouverture donne le ton de ce biopic qui va retracer l’itinéraire glaçant de ce meurtrier au sang froid, en s’intéressant beaucoup plus à la personnalité de cet « ange de la mort » (son vrai surnom) qu’aux meurtres en tant que tels. Un jeune homme blond et bouclé fait irruption dans une villa qui n’est pas la sienne en expliquant en voix off aux spectateurs la précocité de sa vocation de cambrioleur. Puis, il met un disque et se met tranquillement à danser sur un air de disco. Un jeune homme « normal » vivant pourtant dans une famille honnête et à qui l’on donnerait le bon Dieu sans confession.
Cette scène est essentielle puisqu’elle semble nous indiquer que le film ne sera pas qu’un simple thriller, ultraréaliste, violent et sombre. La mise en scène d’Ortega, très inspirée et efficace, vient très vite confirmer cette impression : pour évoquer la rencontre de Carlitos avec Ramon au lycée, et avec la famille très particulière de ce dernier (une mère nymphomane et un père gangster passionné par les armes), puis les différents coups qu’ils vont préparer ensemble, le réalisateur utilise une musique pop, mélange les genres, a recours à l’humour (plusieurs scènes sont vraiment drôles), ce qui crée un parallèle étonnant avec la personnalité de cet ange blond, désinvolte et insouciant, qui ne voit pas le mal dans ses actes.

De la même manière, lorsqu’il finit par vider son chargeur de manière froide et mécanique sur des agents de sécurité lors d’un casse, à aucun moment la culpabilité, le regret ne viennent l’assaillir. Aucune empathie non plus pour ses victimes. Il faut ici reconnaître la qualité de jeu de l’acteur principal, Lorenzo Ferro, dont la ressemblance physique avec le tueur est frappante. Il réussit à incarner avec talent et de manière troublante ce personnage juvénile et amoral. Un autre élément est subtilement suggéré par le cinéaste, apportant une clé de lecture dans ce parcours chaotique : l’homosexualité refoulée, en tout cas jamais clairement revendiquée et assumée, de Carlitos. Cela concerne notamment sa relation avec celui qui devient son frère d’armes, le beau et séduisant Ramon. Cette piste se dévoile avec les scènes de leur rencontre au lycée, ou du cambriolage d’une bijouterie, ou à travers les regards échangés entre les deux hommes. Et cela dans un contexte particulier, celui de l’Argentine des années 70.  Au final, Ortega réussit un biopic assez singulier, ne sombrant jamais dans le sensationnel et le sordide, porté par des acteurs très inspirés et offrant une belle reconstitution vintage. Une vraie bonne surprise, un vrai plaisir de cinéma…

Xavier Affre



 

 


2h06 - Argertine, Espagne - Scénario : Luis ORTEGA - Interprétation : Lorenzo FERRO, Peter LANZANI, Chino DARIN, Cecilia ROTH, Mercedes MORAN.

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