L'Amour debout
de Michaël Dacheux
Acid








Les illusions perdues

Martin, dans un dernier espoir, vient retrouver Léa à Paris. Ils ont tous deux vingt-cinq ans et ont vécu ensemble leur première histoire d’amour. Désormais, chacun s’emploie, vaille que vaille, à construire sa vie d’adulte. L’Amour debout coche toutes les cases du petit film d’auteur français à base de marivaudage et de mises en abîme, ce qui fera son charme auprès des aficionados de la french touch post-Nouvelle Vague, tout en constituant les limites d’une œuvre gracieuse mais peinant à se hisser au niveau des modèles que son auteur revendique. Dès le générique, dont le graphisme reprend les lignes horizontales et verticales dues à Saul Bass pour Psychose, la machine référentielle se met en place et se poursuit à la séquence d’ouverture : Léa est guide pour un groupe de touristes visitant Paris, vingt ans après le personnage d’Agnès Jaoui dans On connaît la chanson d’Alain Resnais. Le récit se construira autour d’autres modèles : on y évoque explicitement Boris Barnet et surtout Jean Eustache, à travers la présentation à la Cinémathèque française de La Maman et la putain par Françoise Lebrun et le chef opérateur Pierre Lhomme, la comédienne jouant par ailleurs son propre rôle dans la suite de l’histoire. Quant aux prénoms de Martin et Léa, ne font-ils pas écho au titre ce cette belle perle intimiste tournée par Alain Cavalier en 1979 ?  Michaël Dacheux avoue se sentir très proche d’un cinéma français des années 1960 à 1980 en continuité avec celui des années 30, particulièrement les œuvres de Diagonale Diffusion, cette société de production fondée par Paul Vecchiali :

et il est vrai que dans ses meilleurs moments, L’Amour debout retrouve la délicatesse et le ton décalé du cinéaste de Corps à cœur, en particulier dans la scène de séduction entre Martin et Bastien, le jeune voisin serviable de Françoise ; c’est aussi dans ce passage que le titre du film s’éclaircit, un dialogue expliquant la honte qui empêche Martin de s’allonger pour faire l’amour avec un autre homme. L’Amour debout reprend aussi le thème, récurrent dans le cinéma d’auteur français, du jeune artiste venant trouvant trouver sa voie dans la capitale. Mais de l’inspiration cinématographique de Martin, nous ne saurons pas grand-chose, le métrage occultant cet aspect, contrairement à la démarche mise en avant dans Mes provinciales de Jean-Paul Civeyrac ou dans les films de Hong Sang-soo. Michaël Dacheux préfère se focaliser sur les autres personnages à la manière d’un mini-film choral. « J’avais envie que le film soit comme un chœur, mais avec des singularités très fortes et des dissonances (…) Je ne voulais pas que l’œuvre soit plombée par une figure d’artiste romantique », d’où la structure en marivaudages croisés et l’attention accordée aux seconds rôles, tel ce quinquagénaire cultivé vivant sur une péniche. Même si l’on peut préférer la sensibilité de multiples autres films similaires, de ceux de Ducastel et Martineau au récent L’Homme fidèle de Lous Garrel, L’Amour debout mérite un détour et révèle des jeunes acteurs prometteurs, dont le subtil Thomas Destouches en bon pote érudit et somnambule.

Gérard Crespo



 

 


1h25 - France - Scénario : Michaël DACHEUX, François PRODOMIDÈS - Interprétation : Pascal DELBREIL, Adèle CSECH, Samuel FASSE, Jean-Christophe MARTI, Thibaut DESTOUCHES, Shirley MIRANDE, Pascal CERVO, Françoise LEBRUN.

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