J'ai même rencontré des Tziganes heureux
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« Oh mon Dieu, si tu m’incarnes encore une fois après ma mort |
Pour la première fois au cinéma, un récit était axé autour de la culture tzigane, et joué par des acteurs appartenant presque tous à cette communauté. Une autre originalité du film est de combiner de nombreux éléments dramatiques (la mort subite d’un nourrisson, une tentative de viol dans un camion) avec quelques passages semi-burlesques qui détonent dans cet univers de noirceur : un pope porté sur la bouteille ou un mariage arrangé entre la belle Tissa et un jeune voisin à peine pubère ne sont pas les moindres digressions insolites d’une œuvre qui concilie également ancrage social et poésie, dans la lignée du meilleur cinéma. Ainsi la lutte dans le tas de plumes pourrait faire écho à la bataille de polochon de Zéro de conduite, quand les déboires de la jeune fille répondent aux tourments de Gelsomina dans La Strada. « Ce film n’est pas romantique – il est rude et beau, telle la vie des Tziganes. Les chansons que vous entendrez dans ce film, vous les entendrez pour la première fois, car ce sont des chansons des Tziganes de Voïvodine, peu connues. Dans leur vie la réalité est liée à la fantaisie – ce sont des hommes libres », avait déclaré le cinéaste. Cette sensation de liberté est aussi celle de son art, qui refuse les sentiers balisés de la narration académique. En ce sens, le film s’inscrit dans le courant des nouvelles vagues qui ont bousculé la grammaire cinématographique dans les années 60. On retiendra enfin de cette perle rare le charisme de deux interprètes : Bekim Fehmiu incarne avec truculence un personnage quasi dostoïevskien. Quant à la belle actrice et chanteuse Olivera Vučo, elle déploie une autorité qui fait regretter qu’elle n’ait pas connu une carrière plus importante. Gérard Crespo
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1967 - 1h22 - Yougoslavie (Serbie) - Scénario : Aleksandar PETROVIC - Interprétation : Bekim FEHMIU, Olivera (VUCO) KATARINA, Velimir 'Bata' ZIVOJINOVIC, Giordana JOVANOVIC, Mija ALEKSIC. |