Ôtez-moi d'un doute
de Carine Tardieu
Quinzaine des Réalisateurs









Pères et fils

Erwan, inébranlable démineur breton, perd soudain pied lorsqu’il apprend que son père n’est pas son père. Malgré toute la tendresse qu’il éprouve pour l’homme qui l’a élevé, Erwan enquête discrètement et retrouve son géniteur : Joseph, un vieil homme des plus attachants, pour qui il se prend d’affection. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, Erwan croise en chemin l’insaisissable Anna, qu’il entreprend de séduire. Mais un jour qu’il rend visite à Joseph, Erwan réalise qu’Anna n’est rien de moins que sa demi-sœur. Une bombe d’autant plus difficile à désamorcer que son père d’adoption soupçonne désormais Erwan de lui cacher quelque chose… Carine Tardieu était déjà l’auteure de deux comédies décalées, La Tête de maman et Du vent dans mes mollets, qui révélaient un vrai talent d’écriture, et un sens aigu de la direction d’acteurs. Pour la seconde fois, elle a collaboré pour le scénario avec Michel Leclerc, réalisateur des subtils Le Nom des gens et La Vie très privée de Monsieur Sim, dont on peut penser que la griffe incisive et sensible a été un atout. Le mérite d’Ôtez-moi d’un doute est de peindre une belle galerie de personnages, sans lourdeur dans l’ancrage sociologique, les statuts socioprofessionnels d’Erwan, Anna et les autres ayant pour fonction de donner un cadre réaliste à une comédie des sentiments par ailleurs « inspirée de faits réels », alibi naturaliste trop souvent avancé par des scénaristes et affichistes en mal d’inspiration, ce qui n’est pas le cas ici.


Démineur réputé et respecté, Erwan est aussi celui qui y ira fouiller jusqu’au plus profond de ses sentiments. Car s’il tient à garantir un semblant de normalité sociale à sa fille, future mère célibataire dégagée de tout carcan, il n’hésitera pas pour lui-même à opter pour deux paternités, l’une adoptive et l’autre biologique, quitte à glisser sur la piste savonneuse des penchants incestueux. À cet égard, le film offre un suspense plutôt osé. On pourra par contre regretter que Carine Tardieu peine à trouver un équilibre entre son souhait de défendre un idéal de famille en liberté et une certaine mièvrerie dans la nostalgie des valeurs rurales et d’un communautarisme convivial. La cinéaste abuse en outre des mots d’auteur, un péché mignon qu’elle compense par un sens du rythme appréciable, dans la lignée des comédies de Philippe de Broca ou Francis Veber. Et sa distribution est un véritable régal. Autour du « couple » formé par François Damiens et Cécile de France, le casting est sans failles, avec une mention pour les vétérans Guy Marchand et André Wilms dans les rôles des deux grands-pères, ainsi qu’Anna Gaylor, irrésistible en vieille patiente victime de la théorie du complot.

Gérard Crespo



 

 


1h40 - France - Scénario : Carine TARDIEU, Michel LECLERC, Raphaële MOUSSAFIR - Interprétation : François DAMIENS, Cécile de FRANCE, André WILMS, Guy MARCHAND, Alice de LENCQUESAING, ESTEBAN, Anna GAYLOR.

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