Retour à Howards End
Howards End
de James Ivory
Sélection officielle
Cannes Classics







Raison et sentiments

Après Chambre avec vue et Maurice, James Ivory adapta à nouveau un roman de E.M. Forster, en collaboration avec la scénariste Ruth Prawer Jhabvala, l'auteure de Chaleur et poussière. L'époque victorienne décrite dans l'œuvre de Forster semble inspirer le cinéaste, ici au sommet de sa période créatrice. Le récit croise le destin de trois familles. Au cœur de l'intrigue, les sœurs Margaret (Emma Thompson) et Helen Schlegel (Helena Bonham Carter), cultivées et ouvertes d'esprit, font partie de la classe moyenne éclairée et fréquentent divers milieux sociaux. Elles sont soutenues affectivement par leur vieille tante Juley (Prunella Scales) et leur jeune frère Tibby (Adrian Ross Magenty), avocat. Margaret et Helen sont liées avec la famille Wilcox dont le patriarche, Henry (Anthony Hopkins), est un important industriel ayant fait fortune en Inde. Si Helen entretient une brève idylle avec Paul, le fils cadet, Margaret devient l'amie de Ruth (Vanessa Redgrave), la mère. Quand cette dernière, mourante, lègue le cottage Howards End à Margaret, les Wilcox font disparaître le testament... La qualité du récit tient bien sûr à la richesse du matériau original mais James Ivory et sa scénariste transposent avec bonheur le foisonnement romanesque à l'écran. D'une série d'intrigues qui auraient pu paraître désuètes, Ivory tire un film au lyrisme contenu, et captivant par la finesse avec laquelle sont dépeintes ces incarnations d'une époque révolue : vieilles filles prenant le thé et discutant peinture ou musique, bourgeois arrogants enlisés dans leurs préjugés, gouvernante hantant un manoir abandonné... Les figures principales et secondaires de cette chronique de mœurs ont un réel pouvoir de fascination et le film, au même titre que le roman, analyse des rapports de classe impitoyables.

Les Schlegel font partie d'une petite bourgeoisie progressiste, aimant l'art et partageant des valeurs d'humanisme et de liberté. Les Wilcox sont des capitalistes conservateurs, attachés aux convenances, plaçant l'argent et l'ordre social au cœur de leurs valeurs. Le besoin de confort matériel de Margaret et l'altruisme de Ruth feront la jonction entre les deux familles, définitivement unies lorsque Henry déclarera sa flamme à Margaret. Mais la cohésion familiale est mise à mal par les personnalités sociales trop antagonistes et radicales de certains de ses membres, du cupide Charles Wilcox (James Wilby) à l'intransigeante Helen. Et lorsque le jeune couple désargenté formé par Leonard (Samuel West) et Jacky (Nicola Duffett) vient se greffer dans leurs affaires privées et publiques, la parentèle est au bord de l'implosion... James Ivory filme avec retenue et élégance ce petit théâtre de la raison et des sentiments, avec classicisme mais sans académisme. La beauté plastique qui s'en dégage doit beaucoup à la photo de Tony Pierce-Roberts, aux décors de John Ralph et aux costumes de Jenny Beavan et John Bright qui, loin de pétrifier l'œuvre, amplifient la grâce d'un travail d'orfèvre. Après une série de films plus ou moins confidentiels, Retour à Howards End marqua la consécration d'Ivory et son fidèle producteur Ismail Merchant. Le film fut couronné par de nombreuses récompenses dont le prix du 45e anniversaire du Festival de Cannes et l'Oscar de la meilleure actrice pour Emma Thompson. Il vient de faire l'objet d'une restauration numérique à partir du négatif caméra original détenu aux archives du George Eastman Museum.

Gérard Crespo



 

 


1992 - 2h20 - Royaume-Uni, Japon - Scénario : Ruth PRAWER JHABVALA, d'après le roman de Edward Morgan Forster - Interprétation : Anthony HOPKINS, Emma THOMPSON, Vanessa REDGRAVE, Helena BONHAM CARTER, James WILBY, Jemma REDGRAVE, Samuel WEST, Prunella SCALES, Susie LINDEMAN, Nicola DUFFETT.

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