Purple Rain
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La chance aux chansons De Tino Rossi dans Marinella (1936) à Eminem dans 8 Mile (2002), en passant par Charles Trenet dans Romance de Paris (1941) ou Elvis Presley dans Le Rock du bagne (1957), nombreuses sont les vedettes de la chanson à être passées devant la caméra des studios de cinéma. En général, il s'agit de fictions médiocres, avec une vague trame autobiographique, interprétées par des artistes musicaux sans talent de comédiens, et réalisées par des tâcherons. La valeur cinématographique de ces produits est souvent déconnectée de celle des chanteurs, même si Jean Tulard n'avait pas tort en estimant, à propos du crooner de « Tchi-chi », que « ses films valent ce que valent ses chansons ». Purple Rain est dans cette lignée, encore qu'on se gardera de porter ici un jugement sur la musique de Prince. Le film a permis à ses producteurs de trouver un nouveau débouché commercial, projet qui s'avéra payant puisque Purple Rain fut un succès planétaire et élargit considérablement l'effectif des fans de ce nouveau pape de la musique pop, rock, funk et R&B. Le Kid, personnage principal de Purple Rain, est un clone de la rock star à ses débuts. Leader d'un groupe qui monte, il se produit à First Avenue, le temple musical de Minneapolis. C'est un jeune et brillant chanteur et musicien, promis à un grand avenir, et qui croit avec ferveur à son succès futur. Mais il devra affronter une ambiance de discorde familiale ainsi qu'un redoutable rival (Morris Day). Ce dernier est prêt à tout pour l'évincer, tant sur le plan professionnel que sentimental. Car le Kid a entamé une romantique (et sensuelle) idylle avec la jeune artiste Apollonia. Le reste du scénario est du même acabit et tient sur un quart de fiche Bristol. Aux commandes de cette success-story, le monteur Albert Magnoli aligne des plans correspondant aux canons du vidéo-clip, surfant sur la vague du Thriller de Michael Jackson. |
C'est l'apogée du look publicitaire des années 80, avec ses images léchées et son montage choc, particulièrement dans les séquences de concert qui restent toutefois filmées avec punch et savoir-faire. Les scènes intimistes quant à elles alignent les redoutables champ-contrechamps, entraînant le film à la frontière du soap opera (les dialogues avec le père) et de la romance de teen movie (l'escapade en moto près du lac). On pourra aujourd'hui s'extasier, avec l'exquise jubilation du second degré, sur le kitch flamboyant des décors et des costumes, dont ces teintes violettes et rutilantes, que l'on pouvait déjà considérer à l'époque comme le comble de la ringardise et du mauvais goût. Quant à la musique, les fans de Prince (s'il en reste) trouveront toujours leur bonheur. Si la chanson du titre est enrobée d'un sirop lacrymal trop entendu sur les ondes, on pourra toujours apprécier les qualités mélodieuses et rythmiques de « When Doves Cry ». On notera que c'est Michel Colombier qui est crédité auteur de la musique du film, revanche financière d'un artiste de talent qui avait subi un injuste et cruel échec public avec Une chambre en ville (J. Demy, 1982). Purple Rain permit à Prince de décrocher un Oscar pour la chanson de film, quand les insolents Razzie Awards exprimèrent un avis opposé : la star fut nommée dans la catégorie de la pire chanson avec « Sex Shooter », tandis que sa partenaire Apollonia Kotero concourut pour la pire révélation féminine... Purple Rain est en fin de compte aux années 80 ce que Le Chanteur de Mexico est aux années 50 ou Grease aux années 70 : une œuvre marquant le divorce entre le public et la critique à sa sortie, considérée par tous comme démodée à la décennie suivante, et objet de nostalgie affective trente ans plus tard. Dans le registre de la fiction documentaire musicale, il est permis de préférer les plus ambitieux Help ! (R. Lester, 1965) ou Pink Floyd The Wall (A. Parker, 1982). Gérard Crespo
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1984 - 1h55 - États-Unis - Scénario : William BLINN, Albert MAGNOLI - Interprétation : PRINCE, Apollonia KOTERO, Morris DAY. Olga KARLATOS, Clarence WILLIAMS III. |