Personal Shopper
|
Entre les morts Maureen (Kristen Stewart), une jeune Américaine à Paris, gagne sa vie comme « personal shopper », profession qui consiste à s'occuper de la garde-robe d'une célébrité. Elle n'aime pas son métier mais n'a pas trouvé mieux pour payer son séjour. La jeune femme est surtout perturbée par la mort de Lewis, son frère jumeau, décédé d'une malformation cardiaque génétique, et tente tant bien que mal d'effectuer son travail de deuil, se livrant à des allers-retours entre Paris et Londres, tout en gardant contact avec sa belle-sœur. Mais Maureen possède aussi une capacité aiguë à communiquer avec les esprits, qu’elle partageait avec son frère... Après les coups d'éclat de Carlos et Sils Maria, on attendait beaucoup d'Olivier Assayas. Son dernier film avait montré son aptitude à brosser de subtils portraits féminins, avec une tonalité bergmanienne qui dénotait une maturité et contrastait avec la maladresse de certaines de ses œuvres de jeunesse. Si Personal Shopper est une autre radioscopie de femme, Assayas opte moins pour la veine psychologique que l'ambiance onirique, une tonalité fantastique imprégnant le récit dès ses premières séquences. Les dons de médium de Maureen sont ici prétexte à un climat d'étrangeté d'autant plus saisissant que le film se situe dans un cadre réaliste, avec sa description de l'univers de la mode ou des transactions immobilières. On songe un temps à Caché de Michael Haneke, de par l'ambiance de mystère créée par l'irruption d'une menace diffuse. Il s'agit des scènes montrant les échanges de SMS entre Maureen et un inquiétant correspondant souhaitant la rencontrer. Le film séduit aussi par son scénario à tiroirs, et ses digressions mettant en exergue le travail de Hilma af Klint (1862-1944), artiste pionnière de l'art abstrait, influencée par le spiritualisme et la théosophie, et dont l'existence a de troublantes correspondances avec la protagoniste. |
Celle-ci est campée avec conviction par Kristen Stewart, dont la collaboration avec Assayas semble fructueuse et intensifier son jeu de comédienne. Qu'elle se glisse dans les vêtements de la femme qui l'embauche, déambule dans les rues de Paris, ou manifeste son inquiétude face à un médecin qui l'ausculte, l'actrice est en parfaite harmonie avec son personnage et témoigne d'une réelle sensibilité, sans effets. Elle se meut avec aisance dans un film dont la mise en scène suggère le fantastique plus qu'il ne le montre, dans la lignée de la démarche d'un Jacques Tourneur. Pour autant, Personal Shopper ne convainc qu'à moitié. Le cinéaste abuse d'une imagerie de papier glacé, ou de fondus au noir qui tournent vite au procédé ; et il frôle le ridicule au détour de certains passages : lorsque Maureen trouve sur la toile un extrait de dramatique télévisée montrant Victor Hugo adepte de spiritisme, et interprété par Benjamin Biolay, l'hilarité gagne la salle tant Assayas maîtrise mal son dispositif et semble ici parodié par un sketch des Inconnus. Et son dénouement nord-africain manqué paraîtra aussi incongru que les relents new age de Nos souvenirs ou Valley of Love, présentés l'an passé en compétition officielle. Au final, Personal Shopper ne méritait ni les sifflets qui ont accompagné sa projection ni un prix de la mise en scène. Il s'agit d'une œuvre respectable mais somme toute mineure dans la filmographie de l'auteur de Clean. Gérard Crespo
|
1h45 - France - Scénario : Olivier ASSAYAS - Interprétation : Kristen STEWART, Sigrid BOUAZIZ, Lars EIDINGER, Anders DANIELSEN LIE, Nora VON WALDSTÄTTEN. |