Madame B, histoire d'une Nord-Coréenne |
Un périple clandestin Alors qu’elle quitte clandestinement la Corée du Nord, Mme B est vendue à un paysan chinois par ses passeurs. Devenue passeuse à son tour, elle se lance dans une bataille pour retrouver ses enfants, qui l’amène jusqu’en Corée du Sud. Mais les services secrets s’en mêlent... Primé aux Festival de Moscou et Zürich, ce documentaire révélé par Acid a bénéficié d'une surprenante sortie en salle, compte tenu de son modeste budget, de sa durée relativement courte (101 minutes), et de son sujet peu bankable, davantage réservé aux secondes parties de soirée d'Arte. Il faut dire que le parcours de Madame B n'est pas banal, même s'il illustre la situation de nombreux immigrés à travers le monde. Jero Yun est un artiste sud-coréen qui a fait ses études en France, aux beaux-arts de Nancy, puis à Paris et au Fresnoy. C'est en tournant Looking for North Coreans, son premier long métrage, qu'il a rencontré cette femme qui a accepté d'être filmée pendant plusieurs années. De son logis chinois où elle cohabite avec son mari et ses vieux beaux-parents, au domicile sud-coréen où elle a retrouvé son premier époux et ses enfants désormais grands, en passant par les routes secondaires de la Thaïlande, le vécu de Mme B ne s'avère pas de tout repos : |
trafics en tous genres (de drogue, de passeports...), allers-retours récurrents entre plusieurs pays, volonté de ne sacrifier aucun membre de sa famille : Jero Yun peint le portrait d'une femme aux multiples facettes, à la fois mère courage et maquerelle, victime et déviante, bavarde et taciturne, avec un seul objectif pendant ces années : survivre et faire survivre les siens. Le cinéaste évite tant le manichéisme que l'angélisme et le misérabilisme, et le film tranche avec les clichés maintes fois relayés dans les reportages télévisés et les médias en général. « Durant le périple, j’ai filmé tout ce que je pouvais filmer, mais dans certaines situations, c’était impossible. Un passeur laotien, notamment, avait un visage qui ne m’incitait pas à sortir la caméra. Quand je suis arrivé en Thaïlande, je ressemblais à un clochard. Sur place, je me suis fait contrôler quatre fois par les autorités, tant ma situation de clandestin était évidente » , a déclaré le réalisateur dans le dossier de presse. Reste que sa démarche est parfois ambiguë, surtout lorsqu'il dénonce la dérive de la propagande sud-coréenne, et semble d'un mutisme agaçant face aux atrocités commises en Corée du Nord. Le film n'en reste pas moins un témoignage intéressant qui tranche avec le conformisme de nombreux documentaires. Gérard Crespo
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1h11 - France, Corée du Sud - Documentaire |