The Endless Summer |
« Only surfers knows the feeling » Robert August et Mike Hynson, deux jeunes surfeurs californiens, vont entreprendre un voyage bien particulier. Munis de leur planche de surf, ils vont se rendre en Afrique, en Australie, en Nouvelle-Zélande, à Tahiti puis Hawaï, à la recherche de la vague parfaite… Bien avant Point Break - Extrême limite (1991) de Kathryn Bigelow, le documentaire de Bruce Brown avait été l’objet d’un culte chez les surfeurs mais aussi les cinéphiles, séduits par ses images inédites et sa vision idéalisée d’un certain art de vivre. Initialement projeté dans des universités avec des moyens artisanaux (commentaire en live, musique enregistrée au magnétophone), le film connut finalement une sortie commerciale et fit un tabac chez une jeunesse assoiffée de liberté et de sensations. Du Sénégal à Tahiti, de Perth à Hawaï, Robert et Mike, respectivement dix-huit et vingt-et-un ans, changent d’hémisphère au rythme des saisons, et ne quittent jamais l’été, découvrant des côtes entièrement vierges de toute expérience sportive. À la manière du commandant Cousteau explorant des contrées lointaines dans Le Monde du silence, les deux jeunes gens et leur ami cinéaste découvrent ainsi un univers spatial et sensoriel qui tient lieu d’éden, et ce qui n’aurait pu être qu’un sympathique film de vacances devient un document exceptionnel, véritable enchantement visuel et témoignage emblématique de l’Amérique des années 60. Le périple, plus que de contribuer à faire connaître le surf au grand public, permettait en effet l’identification à un mode de vie hédoniste, loin du modèle normatif proposé par la société occidentale. |
En même temps, les marchands de planches à voile et de séjours touristiques y virent une aubaine, d’où un certain consensus dans la réception du film, qui vit l’union sacrée du surf business et des promoteurs de la contre-culture. On pourra pourtant déceler bien des naïvetés dans l’aspect « anthropologique » de l’expédition. C’est que les trois amis sont forcément amenés à côtoyer les populations locales pour se loger, se déplacer, où simplement à l’occasion du surf. Et c’est alors que la voix off professe des propos bien édifiants sur les Africains, dans la lignée de l’esprit de Tintin au Congo et d’un certain cinéma postcolonial, véhiculant (certes avec humour) un ethnocentrisme qui a du mal à passer aujourd’hui. Et à filmer ses potes surfeurs absorbés par leur trip, le réalisateur semble dépourvu de toute conscience politique, faisant de l’Afrique du Sud un lieu paradisiaque, dans le déni d’un apartheid pourtant à son apogée. Quant à Robert et Mike, sympathiques étudiants ayant les moyens de s’offrir un tour du monde loin de toute contingence matérielle, enfants de la bourgeoisie américaine, ils semblent être en fin de compte les fruits d’une société de consommation qui inaugure l’industrie du tourisme sportif ; on ne saurait les assimiler réellement à la jeunesse contestataire qui émergeait à l’époque. Mais ces réserves enlèvent peu de chose à la qualité du film et il ne faudrait pas faire trop de procès d’intentions aux auteurs de ce documentaire fascinant, délicieusement sixties (fabuleuse musique des Sandals), et unique en son genre. La restauration numérique proposée par Carlotta devrait permettre à de nouvelles générations de succomber au charme de cet été sans fin. Gérard Crespo
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1966 - 1h35 - États-Unis - Documentaire |