L'Effet aquatique
de Solveig Anspach
Quinzaine des Réalisateurs
Prix SACD






De Montreuil à Reykjavik

Samir (Samir Guesmi), la quarantaine dégingandée, grutier à Montreuil, tombe raide dingue d’Agathe (Florence Loiret-Caille). Comme elle est maître-nageuse à la piscine Maurice Thorez, il décide, pour s’en approcher, de prendre des leçons de natation avec elle, alors qu’il sait parfaitement nager. Son mensonge ne tient pas trois leçons – or Agathe déteste les menteurs ! Choisie pour représenter la Seine-Saint-Denis, Agathe s’envole pour l’Islande où se tient le 10e Congrès International des Maîtres-Nageurs. Morsure d’amour oblige, Samir n’a d’autre choix que de s’envoler à son tour… Il s'agit de l'ultime long métrage de Solveig Anspach, réalisatrice franco-islandaise décédée en août 2015. Cette cinéaste sensible était l'auteure de plusieurs réussites dont Haut les cœurs ! (1999), poignant drame médical autobiographique, et Lulu femme nue (2013), exquise comédie de mœurs, les deux films étant portés par l'interprétation de Karin Viard. L'Effet aquatique est une agréable comédie romantique, rétrospectivement bouleversante compte tenu de son hymne à la vie et son optimisme. Solveig Anspach a choisi le thème de l'eau pour distiller une ambiance sensorielle sur la fusion des âmes et des corps, dans une mise en scène à la fois discrète et limpide, qui n'est pas sans évoquer la démarche d'un Patrice Leconte dans Le Mari de la coiffeuse, même si la réalisatrice se dit être plutôt influencée par Deep End de Jerzy Skolimowski. Avec son scénariste Jean-Luc Gaget, Solveig Anspach a souhaité montrer le contraste entre la piscine municipale de Montreuil (univers aseptisé et domestique) et l'atmosphère davantage sauvage et libre que constituent les sources chaudes islandaises, avec des contradictions qui brouillent les frontières.

C'est ainsi qu'un employé farfelu (Philippe Rebbot) insuffle un vent de liberté en introduisant deux donzelles en nocturne au centre nautique, avec le même enthousiasme que Jack Nicholson infiltrant des prostituées dans l'hôpital psychiatrique de Vol au-dessus d'un nid de coucou ; tandis qu'une virago islandaise vérifie avec intransigeance la norme de la nudité dans les douches d'une piscine underground... Partagée entre deux cultures, Solveig Anspach semble s'amuser des travers de ses pairs, sans jamais porter de jugements condescendants sur des personnages sans doute proches de ceux qu'elle a côtoyés dans la vie réelle. « L’objectif était de faire convoler le burlesque et la comédie romantique, en harmonisant ces deux sources d’inspiration souvent contradictoires, et parfois dissonantes. Tout est, bien sûr, comme en cuisine (et en amour), question de dosage. La comédie est un long parcours semé de doutes, car un ou deux ans séparent le moment où l’on écrit une scène, et celui où le public dans la salle réagit, ou pas, à cette scène une fois tournée. Cette expérience, même si elle ne doit pas s‘ériger en système, m’a permis de mieux juger du bon équilibre entre réalisme, comédie, burlesque et émotion », a précisé Solveig Anspach. Si l'on peut regretter des quiproquos un peu téléphonés et un manque de rythme dans plusieurs séquences, le film séduit par son propos et sa grâce ainsi que le jeu de ses interprètes, dont Samir Guesmi. L'acteur que l'on avait remarqué dans Violence des échanges en milieu tempéré ou Camille redouble dévoile ici une réelle charge émotionnelle et comique.

Gérard Crespo

 



 

 


1h25 - France - Scénario : Solveig ANSPACH, Jean-Luc GAGET - Interprétation : Samir GUESMI, Florence LOIRET-CAILLE, Philippe REBBOT, Didda JONSDOTTIR, ESTÉBAN, Olivia CÔTE, Nina MEURISSE, Solène RIGOT, Ingvar EGGERT SIGUROSSON, Samer BISHARAT, Frosti RUNOLFSSON.

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