Avant l'aurore |
« Misère et grandeur, pesanteur et grâce » Dans un Cambodge encore hanté par les crimes des Khmers rouges, Mirinda, travesti français de quarante-cinq ans, se prostitue dans les bas-fonds de Phnom Penh. Sa rencontre avec une fillette issue du trafic éveille peu à peu chez lui un sentiment de paternité... C'est le second long métrage de Nathan Nicholovitch, qui avait réalisé il y a trois ans Cosa nostra, road movie intimiste autour du thème de l'incommunicabilité. Tourné au Cambodge avec un budget limité, Dans l'ombre il y a joue la carte du minimalisme et du film d'atmosphère(s), sans tomber dans le piège de l'exotisme. On croit d'abord à une approche semi-documentaire, le cinéaste suivant le quotidien de Mirinda dans son modeste logement puis les quartiers chauds de Phnom Penh. Du rapport sexuel cru du premier plan aux déambulations dans les rues de la capitale, c'est un peu le portrait d'un marginal français exilé dans un monde où il est à la fois l'étranger et le pair de compagnons et compagnes d'infortune. Très vite, le film sort du cadre du naturalisme pour suivre la voie d'un cinéma sensoriel aux frontières du rêve qui évoque par instants l'univers de Raoul Ruiz. |
La rencontre avec une jeune femme déterminée à faire respecter le droit international en faisant arrêter un ex-bourreau de la période Pol Pot ramène l'œuvre dans un ancrage réaliste et historique. Là encore, le cinéaste brouille les pistes et ne fait de cette partie du récit qu'une longue digression. L'élément central de la narration est bien l'irruption de cette petite fille qui erre avec d'autres enfants dans le hall du logement du travesti. Car les prémices de la vieillesse perturbent Miranda, et la promiscuité de cette enfant semble la voie d'un nouveau départ. Nathan Nicholovitch évite cependant le scénario explicatif et le sentimentalisme. Il s'éloigne aussi de la tentation d'aborder de façon trop manifeste des sujets de société comme l'adoption homoparentale ou la prostitution enfantine. De l'ombre il y a est avant tout le trip poétique d'un artiste qui se serait nourri à la littérature de Jean Genet et à l'œuvre de Fassbinder pour en faire la synthèse avec un certain cinéma asiatique : on pense en particulier au Brillante Mendoza de Serbis. En dépit d'inévitables scories, ce film étrange dégage un charme certain, auquel contribue l'atypique comédien David D’Ingéo, interprète fétiche de Nicholovitch. Gérard Crespo
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1h45 - France, - Scénario : Nathan NIKOLOVITCH - Interprétation : David D'INGÉO, Panna NAT, Clo MERCIER. |