Asphalte |
« Putain, c'qu'il est blême, mon HLM ! » Le film regroupe deux des nouvelles des Chroniques de l'asphalte, écrites en 2005 par l'auteur. Samuel Benchetrit a ajouté le récit d'une comédienne, Jeanne Meyer (Isabelle Huppert), ex-vedette des années 80, venue s'installer dans le HLM désaffecté de la cité qui constitue le cadre de l'œuvre. L'ancienne actrice rêve de reprendre les studios et y sera encouragée par son jeune voisin de palier, un ado livré à lui-même. Ce dernier est interprété (avec charisme et talent) par Jules Benchetrit, le fils du cinéaste, ce qui accentue la trame autobiographique d'Asphalte, Samuel Benchetrit ayant passé son enfance en banlieue. Une banlieue filmée ici sous un angle nouveau, quelque part entre une vision idéalisée et la noirceur inhérente au film social. Car Asphalte se révèle plutôt comme une très jolie fable, mettant en scène six personnages esseulés en quête de réconfort et de bonheur. Il y a là Sterkowitz (Gustave Kervern), qui habite au premier étage de l'immeuble de Jeanne, et refuse de voter pour l'installation d'un ascenseur. Mais il devient handicapé suite à un accident, et se voit contraint de ne se déplacer que la nuit. Sa rencontre avec une infirmière de nuit (Valeria Bruni Tedeschi) est peut-être l'occasion d'un nouveau départ. Mme Hamida (Tassasit Mandati) est quant à elle une vieille femme algérienne, généreuse et optimiste, qui loge au-dessus de Jeanne. |
Les visites à son fils emprisonné font partie de son morne quotidien jusqu'au jour où elle voit débarquer chez elle John McKenzie (Michael Pitt), un cosmonaute de la NASA littéralement tombé du ciel et qu'elle doit héberger. Ces trois récits imbriqués dans le mini-film choral sont reliés par le décor péri-urbain, le « McGuffin » de l'ascenseur mais également un bruit étrange qui se répand dans la cité, et dont on n'aura jamais l'explication, amplifiant par là-même le ton de comédie de l'absurde du scénario. Le contraste entre l'ambiance de mystère et l'humanisme des intrigues, loin de créer une œuvre décousue, mène à un film mêlant fascination et émotion, et qui culmine avec l'improbable rencontre entre l'Américain et la femme d'origine arabe. Ces séquences sont d'ailleurs les plus politiques du film : « L’envie de parler d’une cité HLM d’une façon différente fut un moteur essentiel dans mon désir de faire ce film. Car quand on évoque la banlieue, les mêmes mots reviennent toujours en bouche : punition, religion, affrontement... Et on ne parle jamais d’amour. Or il me paraît pourtant évident que le manque d’amour est la cause de bien des maux dans ces endroits », a déclaré le cinéaste. Loin de livrer une vision angélique, Samuel Benchetrit propose un bel objet de cinéma, insolite et troublant. Après les échecs d'Un voyage et Gino, il signe ici son meilleur film et mériterait le succès public. Gérard Crespo
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1h40 - France - Scénario : Samuel BENCHETRIT, d'après ses nouvelles "Les Chroniques de l'asphalte'' - Interprétation : Isabelle HUPPERT, Gustave KERVERN, Valeria BRUNI TEDESCHI, Michael PITT, Jules BENCHETRIT, Tassadit MANDI. |