« 15 ans, 9 mois et demi »

Danny a 16 ans, et plus précisément « 15 ans, 9 mois et demi ». Mèches peroxydées, bracelets fluos, d'allure exubérante et immature, il assume une homosexualité libre et épanouie, se prostituant à l'occasion pour arrondir (ou plutôt assurer) ses fins de mois. Ce jeune Albanais né en Grèce (où règne le droit du sang) ne se sépare pas d'un petit lapin blanc qui semble être sa mascotte. Le jeune homme vit en Crète et se rend à Athènes rejoindre Odysséas, bientôt 18 ans, son frère aîné. Il lui annonce le décès de Jenny, leur mère, ex-chanteuse ayant sombré dans l'alcool. Les deux frères prennent alors la route de Thessalonique pour retrouver leur père, un Grec qu’ils n’ont jamais connu. Dany et Ody se sont aussi promis de participer à un populaire concours de chant qui pourrait rendre leur vie meilleure.

Voilà un bien joli conte et road movie, porté par ses deux jeunes interprètes, Nikos Gelia et surtout Kostas Nikouli (éclatante révélation). Ce dernier compose un touchant personnage d'ado désœuvré et fragile, sous un vernis de joie de vivre. Mais Ody, en apparence plus serein, a aussi ses fêlures. Étrangers dans le pays où ils sont nés, les deux frères ont un objectif :

obtenir une reconnaissance de paternité de la part de l'homme qu'ils supposent être leur père biologique, acte administratif qui pourrait être la passerelle pour une obtention de la nationalité grecque.

Le scénario aborde le thème de l'exclusion sous plusieurs angles : précarité matérielle, stigmatisation de l'étranger par une extrême droite xénophobe, et homophobie à travers les brimades que doit subir Danny. Dans ce monde de pessimisme et de brutalité, quelques instants évoquent le réconfort et l'illusion du bonheur attendu : un anniversaire improvisé dans un hôtel de luxe abandonné, ou les retrouvailles avec un ami de la famille, propriétaire de dancing qui a l'humanité d'un tonton bienveillant. Jamais Panos H. Koutras ne dévie vers la mièvrerie et le manichéisme, les deux pêchés mignons qu'un tel sujet aurait pu amener. Xenia adopte avec aisance de subtiles ruptures de ton, de la comédie de situation au polar social en passant par le psychodrame familial, et même le film musical et le fantastique. Auteur de L'Attaque de la moussaka géante (1999) et Strella (2009), le cinéaste fait preuve d'un remarquable savoir-faire et l'on espère que cela est le signe d'une nouvelle vitalité du cinéma grec.

Gérard Crespo